L'auteur, ancien commandant de l'École interarmées du renseignement et des études linguistiques (Eirel), est actuellement directeur de l'Institut d'étude et de stratégie de l'intelligence économique, département de la Société française de stratégie et de conseil. La richesse de cet article nous a contraints à le publier en deux livraisons. Ici, nous verrons le concept d'intelligence économique et son application au Japon, en Allemagne et aux États-Unis, tandis que dans notre numéro de janvier 1994, sera présenté un modèle souhaitable pour notre pays.
L'« intelligence économique », arme de l'après-guerre froide
Devant la perte de compétitivité américaine face au Japon, la CIA rédigeait en 1991 un rapport intitulé « Japan 2000 » non publié. On y constatait que « la puissance (de ce pays) est construite essentiellement sur la connaissance et sur la technologie de l’information » et que « dans le contexte d’une nouvelle économie et d’un nouvel ordre mondial, la connaissance deviendra le fondement primordial de la puissance économique ».
Pour sa part, le feu KGB avait identifié depuis plusieurs années le caractère déterminant de l’information technologique et économique, déployant tous ses moyens pour le capter à l’étranger et son génie pour l’exploiter. Il adoptait même le vocable d’« intelligence économique » et avec lui toute la richesse de ce concept inventé par les Anglo-Saxons, englobant les opérations de recherche, d’actions connexes et d’influence contenues dans le vocable britannique d’« intelligence » ici appliquées au terrain de l’économie.
On est loin de notre perception latine et réductrice qui traduit « intellego » par « je comprends » sans nécessairement lier cette compréhension aux opérations concrètes. Aussi, pour maîtriser ce concept — vital, on le verra — auquel nous commençons seulement à nous intéresser, nous faut-il imiter, pour une fois, l’exemple soviétique : faisons nôtre la formulation d’intelligence économique (IE), sans guillemets afin de n’en pas dénaturer le contenu, essentiel pour faire face aux redoutables défis de l’heure et des années qui viennent. De quoi s’agit-il ? Il est tout simplement question de notre survie en tant que puissance maîtresse de ses choix, à l’heure où se livre, de moins en moins masquée, une véritable guerre économique (1), sans déclaration, sans armes apparentes, l’atome — espérons-le — ayant tué l’affrontement guerrier majeur.
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