Voici les réflexions de l'amiral Jacques Lanxade, chef d'état-major des armées, sur notre politique militaire, après la publication du Livre blanc sur la Défense et avant l'examen par le Parlement de la loi de programmation.
Le Livre blanc et l'emploi des forces
L’automne de 1989 voyait la conclusion heureuse d’une « parenthèse » de l’histoire que la rivalité Est-Ouest avait ouverte il y a une quarantaine d’années. Heureuse, puisque cet antagonisme n’avait pas débouché sur le conflit majeur pour lequel tous les pays concernés avaient organisé leurs systèmes de défense et entraîné leurs forces armées. Heureuse, aussi, puisque dans le même temps les pays européens de l’Est redécouvraient la liberté et la démocratie dont ils avaient besoin pour combler l’énorme retard, politique, social, économique, culturel, accumulé pendant quarante années de « fossilisation » soviétique.
La disparition d’une volonté agressive en Europe pouvait laisser croire à certains, oubliant les potentiels militaires considérables qui subsistaient sur notre continent, qu’il était alors possible pour les nations occidentales de tirer les dividendes de la paix par des mesures drastiques d’économie sur les moyens militaires. D’autres, plus prudents, préconisaient l’adoption d’une attitude d’attente stratégique pour une durée indéterminée. Ni les uns ni les autres ne donnaient, à mon sens, une réponse adéquate aux besoins de sécurité de la France et aux exigences liées à son rang de puissance internationale au service de la paix et du droit dans le monde.
C’était oublier, en effet, qu’en reprenant le cours normal de son évolution, l’histoire des nations et des peuples pouvait connaître des bouleversements accompagnés de violences et de luttes armées sous l’effet de tensions nées des problèmes de frontières et de cohabitations ethniques ou religieuses, d’ambitions hégémoniques régionales, qui n’avaient pas été effacées par le dialogue et la concertation, mais seulement figées en l’état de manière forcée et artificielle par les contraintes du jeu bipolaire. Il n’est donc pas étonnant que la libération de ces tensions se soit traduite au cours de ces dernières années par un grand nombre de conflits. Le premier en date fut celui du Golfe, le plus récent est celui du Yémen. Entre-temps, plus près de nous, c’est toujours celui de l’ex-Yougoslavie.
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