Politique et diplomatie - Les enjeux de la déréglementation
En cette année 1994, trois débats ou controverses d’ampleurs bien différentes soulignent l’importance des enjeux de la déréglementation, celle-ci pouvant être définie comme l’ensemble des processus engagés par les États pour éliminer des pans de leur législation et de leur réglementation perçus comme autant d’obstacles au libre épanouissement des initiatives économiques et de la compétition.
La clause sociale
Dans le sillage des accords du cycle de l’Uruguay (décembre 1993) au sein du Gatt, cette question de la « clause sociale » a été longuement évoquée. Plusieurs pays développés, dont les États-Unis et la France, insistent pour que la liberté des échanges soit soumise à des règles « sociales » ; cela signifie que tout pays pourrait s’opposer à l’importation de produits qui auraient été fabriqués hors de ces règles (par exemple, utilisation du travail des enfants ou des prisonniers). Les pays en développement, et d’abord les plus dynamiques, ont vivement réagi à cette proposition, considérant que cette clause sociale serait un instrument de protectionnisme masqué, donnant aux nations riches la capacité de rejeter tout bien menaçant leur potentiel industriel. Le dossier est d’une extrême complexité : quelles règles conviendrait-il de respecter (par exemple, aucun pays en développement n’étant en mesure d’établir une protection sociale comparable à celle des pays développés) ? Dans quelles conditions la clause sociale pourrait-elle être déclenchée ? Cette mise en œuvre par les États échapperait-elle à tout contrôle ou ferait-elle l’objet d’une surveillance internationale ? Pour le moment, la discussion ne fait que s’amorcer ; elle prendra sans doute place parmi les urgences de la future Organisation mondiale du commerce (OMC, remplaçant le Gatt). Un accord rapide sur ce dossier est exclu, les intérêts du monde développé et de celui en développement se heurtant de front, le premier cherchant à se protéger contre une concurrence nouvelle et déstabilisatrice, le second se battant pour prendre sa place au soleil.
La déréglementation au sein de l’Union européenne
Parmi les débats majeurs qui divisent déjà l’Union européenne à douze, figure la « politique sociale ». Pour le Royaume-Uni et aussi pour l’Allemagne (plan de M. Gunther Rexrodt, ministre de l’Économie, en mai 1994), le rétablissement de la croissance et de la compétitivité en Europe requiert la déréglementation du marché du travail (flexibilité des procédures d’embauche et de licenciement, abolition de toute forme de salaire minimal garanti). La France se montre tiraillée entre, d’un côté, l’attachement de la grande majorité des Français à un État providence, fondement de la cohésion sociale, et, de l’autre côté, le sentiment que nombre des règles protectrices (pour ceux qui ont un emploi) favorisent l’exclusion, entretiennent le chômage des personnes qui pourraient travailler certes pour des salaires bien modestes. Ici aussi, le débat commence et dominera au moins la seconde moitié des années 90.
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