Les mutations intervenues aux Philippines après le départ en exil du président Marcos ont introduit des nouvelles données qui affectent non seulement la politique locale, mais aussi les échanges à l’échelon régional. Cette transformation en profondeur est analysée par l'auteur, qui connaît bien cet archipel pour s’y être rendu à plusieurs reprises. Il développe notamment des idées importantes sur la spécificité de cette Nation attachante et sur les possibilités économiques auxquelles la France devrait s’intéresser.
Les Philippines après Marcos
Marqué pendant deux décennies par l’autoritarisme du président Marcos, l’archipel des Philippines s’est lancé dans un long et difficile processus de démocratisation après la chute du dictateur en 1986. Le décollage du pays est cependant entravé par les nombreuses contradictions et rivalités internes, ainsi que par la mainmise d’une puissante oligarchie sur les affaires politiques et économiques. L’État aux « 7 000 îles et îlots » possède toutefois un potentiel intéressant qui pourrait s’épanouir pleinement dans cette zone à forte croissance galvanisée par l’influence des « dragons asiatiques », du géant japonais et des grandes organisations régionales (Ansea, Apec) (1). En outre, le particularisme philippin, caractérisé par la très forte présence de l’Église catholique et l’empreinte américaine, est susceptible de favoriser des marchés dans cet espace où le vent de l’histoire semble aujourd’hui souffler de façon bienfaisante.
Fidel Ramos et l’apport d’un nouveau souffle
Le départ de Ferdinand Marcos a été suivi par l’accession au pouvoir en février 1986 de Cory Aquino, la veuve du sénateur assassiné à son retour d’exil des États-Unis en août 1983. Handicapée par son manque d’expérience et ayant survécu à sept tentatives de coup d’État, la courageuse présidente n’a pas réussi, pendant ses six années passées à la tête du pays, à mettre un terme au système des clans familiaux et à réformer l’État en profondeur. Les changements significatifs se produiront après l’élection de Fidel Ramos en mai 1992.
Les premières réformes de l’actuel chef de l’État philippin ont réussi à briser le monopole de certains magnats de l’industrie. Antonio Conjuangco, le « seigneur des télécommunications » et Lucio Tan, le « roi du tabac », ont été ainsi contraints de partager leurs marchés fructueux avec d’autres industriels. Ces secteurs ont été ouverts à une plus saine concurrence. Les autres mesures importantes ont concerné les privatisations qui ont permis à l’État de renflouer ses caisses et donc d’assainir une situation financière difficile. Les transferts au secteur privé des chantiers navals Philippines Shipyard et de la compagnie Oriental Petroleum se sont effectués dans d’excellentes conditions. Le plus grand succès dans ce domaine porte cependant sur la vente d’actions du groupe pétrolier Petron aux investisseurs étrangers et au peuple philippin. La tranche internationale a permis au gouvernement de réaliser des gains trois fois supérieurs aux prévisions initiales. Dans cette gigantesque opération commerciale, il convient de noter que 40 % des actifs de la société philippine sont devenus la propriété de la firme saoudienne Saudi Arabian Oil Company. Pour leur part, les actions populaires ont connu une réussite identique auprès des particuliers (+ 60 % par rapport aux pronostics). Grâce à ces mannes financières, l’État a pu envisager la mise en chantier de grands travaux, notamment la construction d’usines électriques pour rattraper l’énorme retard pris dans ce secteur clé. D’autres mesures devaient d’ailleurs avoir un effet bénéfique sur les recettes budgétaires. Parmi celles-ci, la loi sur la TVA, votée après de longs débats au Parlement, devrait rapporter à l’État 8 milliards de pesos (300 millions de dollars) par an.
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