Esquisse d'une histoire politique de l'Algérie
Au moment de la prise d’Alger, les groupes humains qui se juxtaposaient entre la frontière marocaine et la frontière tunisienne ne pouvaient en aucune façon évoquer l’idée d’un peuple, d’un être collectif profondément enraciné dans le sol, conscient de la solidarité de ses éléments, chargé d’un long passé de luttes et d’efforts en commun.
En dehors de coalitions éphémères, l’Algérie n’avait jamais trouvé en elle-même le principe de cohésion qui eût relégué au second plan les divergences locales et fait d’elle sinon une nation, du moins un État, et c’est notamment pour cette raison-là qu’elle est, de toutes les terres d’Islam, celle où la civilisation islamique a donné ses plus maigres fruits. Aux yeux de ses coreligionnaires d’Est ou d’Ouest, l’Algérien passe pour un parent pauvre, à peine une moitié de Musulman.
On ne finirait pas d’énumérer les faits qui concourent à cette dispersion chronique. Le plus apparent est d’ordre physique : étroitement cloisonnée par un relief en quadrillé, illimitée au Sud par son ouverture sur le plus grand désert du monde, privée de centre naturel, l’Algérie se divise en compartiments où la vie tend à se replier sur elle-même. C’est là que nichent les véritables patries, avec leurs ambitions et leurs défiances ancestrales. Mais non moins accusées sont les différences d’ordre ethnique. Pour désigner les indigènes de l’Algérie, on dit couramment « les Arabes » : généralisation inadmissible, et qui nous a valu, qui nous vaut encore bien des mécomptes. Car il y avait en 1830 fort peu de vrais Arabes en Algérie : il est même probable qu’en raison d’un mélange de sangs prolongé depuis des siècles, il n’y en avait plus du tout. Il y avait seulement des Arabo-Berbères et des Berbères, et la distinction restait importante.
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