L'auteur avait décrit, il y a un an, la crise d'identité de la CSCE, puis, à la fin de 1994, la proposition de notre Premier ministre de créer un Pacte de stabilité en Europe. Dans cet article, il poursuit notre information en évoquant la conférence de Budapest, le Code de conduite sur les aspects politico-militaires de la sécurité, enfin le conflit en Tchétchénie auquel, une fois encore, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) – ex-CSCE – se montre incapable d'imposer une solution.
La crise tchétchène devant l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)
Le 11 décembre 1994, moins d’une semaine après le sommet raté tenu par les États de l’OSCE à Budapest, le président Eltsine décidait — par des méthodes brutales que l’on pensait révolues depuis l’effondrement du communisme en URSS — le « rétablissement de l’ordre constitutionnel » dans la minuscule république indépendantiste de Tchétchénie. Cette opération a valu à la Russie la suspension de sa procédure d’admission au Conseil de l’Europe, le gel de l’accord intérimaire de partenariat avec l’Union européenne et la réprobation de la Commission des droits de l’homme des Nations unies. L’OSCE, la plus directement intéressée des institutions internationales, a agi avec plus de prudence et de doigté. Affirmant sans ambages son total appui à l’intégrité territoriale de la Russie, elle a rappelé à celle-ci les engagements du « Code de conduite sur les aspects politico-militaires de la sécurité » (adopté à Budapest) concernant l’utilisation démocratique des forces armées à des fins de sécurité intérieure et obtenu d’être associée au processus de règlement du conflit. On s’attachera à analyser ici le contenu du Code ainsi que les modalités de la coopération OSCE-Russie dans l’affaire tchétchène.
Le Code de conduite
Avancée par la France en 1992, la proposition d’un traité paneuropéen de sécurité codifiant les normes existantes de la CSCE en la matière et formulant des normes additionnelles adaptées aux nouveaux défis de l’Europe postcommuniste fut repoussée au sein de l’Otan en raison de l’opposition américaine à tout arrangement de sécurité susceptible d’affaiblir la raison d’être de l’Alliance. Ramenée au niveau modeste d’un simple code de conduite politico-militaire de type « politiquement contraignant », l’idée fut soumise à la conférence d’examen d’Helsinki dans une proposition déposée par le couple franco-allemand et coparrainée par une dizaine de pays, dont la Russie. Bien que toujours critiquée par les États-Unis, elle fut retenue au point 12 du « Programme d’action immédiate » du Forum de Vienne pour la coopération en matière de sécurité, l’organe de la CSCE spécialisé dans la maîtrise des armements. Le texte provisoire résultant des négociations menées au sein du Forum fut transmis à la conférence d’examen de Budapest (10 octobre-2 décembre 1994) (1). Attendu comme le fleuron des travaux de celle-ci, le Code ne fut pas (du fait de l’opposition américaine) soumis à la signature des 52 participants au sommet, mais simplement incorporé — en tant que chapitre IV — aux « décisions de Budapest 1994 ».
En 1992, deux propositions substantielles (et assez complémentaires) de Code furent soumises au Forum. La première était due à la Pologne (CSCE/FSC/SC. 5/Rev. 1), l’autre émanait de tous les membres de l’Otan (CSCE/FSC/SC. 7), hormis les États-Unis et la Turquie. Pays où l’armée joue un rôle de poids dans la vie politique nationale, la Turquie n’était guère enthousiaste à l’idée de normes touchant le contrôle politique démocratique des forces armées ; en vue de brouiller l’exercice, elle soumit une proposition distincte (CSCE/FSC/SC. 8) formulée en termes généraux et mettant l’accent sur des questions périphériques : trafic des stupéfiants, protection de l’environnement, droits des travailleurs migrants, etc. En 1993, les pays de l’Union européenne affinèrent leur proposition initiale (CSCE/FSC/SC. 21), tandis que deux autres propositions voyaient le jour : l’une soumise par l’Autriche, la Hongrie et la Pologne (CSCE/FSC/SC. 17) et l’autre par l’Autriche et la Hongrie (CSCE/FSC/SC. 22). En 1994, cette dernière soumit une ultime proposition. La pertinence et la richesse des éléments contenus dans toutes ces propositions étaient incontestables : l’ensemble fournissait ample matière à un Code à la fois substantiel et novateur. Cependant, d’entrée de jeu et jusqu’à l’ouverture de la conférence de Budapest, les débats se polarisèrent perpétuellement sur deux grandes questions de principe.
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