De la non-prolifération à la contre-prolifération ?
Il y a un peu plus d’un an nous nous étions interrogé, ici même, sur l’avenir du traité de non-prolifération nucléaire dans la perspective de la conférence qui, vingt-cinq ans après son entrée en vigueur, devait examiner son fonctionnement et décider de la durée de sa prorogation. Cette conférence vient de se terminer ; aussi nous a-t-il paru qu’il pourrait être intéressant, après avoir tiré quelques enseignements de l’histoire passée de la non-prolifération, d’essayer de distinguer quelles sont les stratégies désormais concevables en la matière, et en particulier quel peut être l’avenir de la stratégie dite de contre-prolifération que les États-Unis ont envisagé d’adopter récemment.
Les stratégies de non-prolifération pratiquées pendant la guerre froide
Inventeurs et seuls utilisateurs jusqu’à présent de l’arme nucléaire, les États-Unis n’ont jamais cessé d’être les instigateurs des stratégies de non-prolifération. Dès 1946, ils avaient adopté une législation nationale très stricte pour interdire tout transfert de quelque donnée que ce soit concernant l’emploi de l’énergie atomique. Cet Atomic Energy Act, plus connu sous l’appellation de loi McMahon, du nom de son rapporteur, ne sera modifié pour ce qui concerne les données militaires qu’une seule fois, en 1958, et au seul profit de la Grande-Bretagne. En 1946 également, ils avaient aussi pris l’initiative diplomatique en proposant à l’Onu ce qu’on appela alors le plan Baruch, du nom de son négociateur, qui aurait placé toutes les activités nucléaires sous contrôle international. L’Union Soviétique, proliférateur alors visé et qui refusera pendant longtemps des vérifications sur son territoire, répliqua en proposant la destruction de toutes les armes nucléaires existantes et leur interdiction à l’avenir. En 1953, les États-Unis revinrent à la charge avec un plan plus modeste, dit « atomes pour la paix », qui proposait de placer sous contrôle international les transferts de matières fissiles et de technologies nucléaires à des fins pacifiques. C’est pour assurer ce contrôle que fut créée en 1956, sous l’égide de l’Onu, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Lorsque les proliférateurs visés devinrent la France et la Chine, les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union Soviétique se mirent d’accord pour faire obstacle à leurs essais nucléaires en déclarant en 1958 un moratoire de leurs propres essais, qui durera trois ans ; puis pour mettre au point un traité international interdisant les essais dans l’atmosphère qui fut signé en 1963, sans que la France et la Chine acceptent bien entendu de s’y associer. Ensuite les États-Unis, toujours suivis par la Grande-Bretagne, et l’Union Soviétique entreprirent de négocier un traité international destiné à interdire les transferts nucléaires à des fins militaires, qui sera signé en 1968 et entrera en vigueur en 1970. Là encore, ni la France, ni la Chine ne le signèrent, mais notre représentant à l’Onu déclara que « la France se comporterait comme les États qui y adhéreraient ».
Il reste 92 % de l'article à lire
Plan de l'article