Politique et diplomatie - Le couple franco-allemand : quel avenir ?
Depuis la fin des années 80, le paysage géopolitique mondial et notamment européen se trouve emporté par des bouleversements loin d’être achevés. Dans ce flux de mutations, le couple franco-allemand se présente comme un élément fixe, immuable. En ce qui concerne la France, toute sa politique économique, financière et étrangère s’organise en tenant compte de l’Allemagne : celle-ci est non seulement la puissance de référence, celle par rapport à laquelle la France se définit, mais encore la justification politique majeure de la construction européenne, transformant le poids de l’Allemagne de source de guerre en facteur de coopération. Quant à l’Allemagne, son amitié avec la France représente un certificat de bonne conduite, garantissant à tous ceux qu’inquiète sa puissance (pays tiers, mais aussi Allemands eux-mêmes) que la vieille Allemagne, celle de Bismarck, de Guillaume II et de Hitler, est bien morte. Bref, pas de tranquillité pour la France sans l’Allemagne, pas d’honorabilité pour l’Allemagne sans la France.
La fin d’un équilibre équivoque
À l’époque de l’Europe divisée en deux blocs, s’établit un équilibre équivoque entre la France et l’Allemagne. Son fondement réside dans le partage de l’Europe (et, en son centre, de l’Allemagne), la menace soviétique effaçant la vieille menace allemande et imposant une solidarité occidentale (en particulier franco-allemande), la protection des États-Unis assurant finalement la meilleure garde de l’Allemagne, celle-ci accueillant sur son sol l’essentiel des troupes américaines en Europe. La France est l’un des quatre grands vainqueurs de 1945 et ainsi participe au dispositif de tutelle, auquel, en dépit des nombreux assouplissements apportés dès les années 50, reste soumise l’Allemagne, et qui ne disparaît qu’avec le traité « 2 + 4 » portant règlement définitif de la question allemande (Moscou, 12 septembre 1990). Dès cette période, la puissance économique de l’Allemagne de l’Ouest rappelle à la France la formidable capacité de renaissance de son voisin d’outre-Rhin.
Quant à la République fédérale d’Allemagne, partie d’une nation divisée, étroitement surveillée, sa vocation est alors d’être, au sein de la construction européenne, le brillant second de la France (par exemple, en étant, aux côtés de cette dernière, la cofondatrice du Conseil européen en 1974 ou du Système monétaire européen en 1978-1979). Ce lien franco-allemand, souvent analysé comme un but en soi, n’est et ne peut être, pour Bonn, qu’une composante d’une démarche diplomatique globale, s’appuyant sur les États-Unis et ayant pour objectif la réunification de l’Allemagne. L’Allemagne fédérale, marquée par un passé terriblement lourd, a le souci d’apparaître comme le meilleur élève tant de la classe atlantique que de la classe européenne. D’où un enchaînement de paradoxes : pour être reconnue comme une nation comme les autres, l’Allemagne fédérale doit faire preuve de docilité et de générosité financière (au sein de la Communauté européenne, en faveur des États communistes est-européens) ; aussi est-elle conduite à noyer ses buts politiques propres dans une rhétorique européenne, menant sa politique à l’Est (Ostpolitik) Au nom de l’Europe (selon le titre de l’ouvrage à succès de Timothy Garton Ash).
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