Mauritanien faisant ses études aux États-Unis, l'auteur a écrit de nombreux ouvrages sur le Maghreb et son pays en particulier. Ce texte est une remarquable synthèse de la situation politique, économique et sociale en Mauritanie, et de l’évolution de celle-ci vers la démocratie.
La Mauritanie à la croisée des chemins
Dans le désordre maghrébin ambiant, la Mauritanie fait de plus en plus figure d’exception. Alors que la Libye, dans l’impasse, entame un dernier chapitre de l’aventure Kadhafi qui s’annonce perturbé, et que les régimes algérien et tunisien sont engagés dans une lutte sans merci contre leurs oppositions islamistes, la deuxième République mauritanienne semble décidée à maintenir l’équilibre démocratique qu’elle a inauguré en 1991. Poursuivant son processus de démocratisation, redynamisant sa politique étrangère, devançant la percée islamiste globale, le pays cherche, non sans difficultés comme en attestent les récentes « émeutes du pain », à asseoir une nouvelle légitimité interne et externe.
La transition démocratique mauritanienne avait été amorcée, on s’en souvient, en 1991. À l’époque, une Constitution instaurant le multipartisme avait été adoptée par référendum ; dix-huit partis politiques furent créés par la suite. À la suite de l’élection présidentielle qui fut organisée en janvier 1992, à laquelle participèrent l’ancien président Moustapha Ould Mohamed Saleck, le demi-frère du premier chef de l’État mauritanien Mokhtar Ould Daddah, et l’ex-maire de la capitale Nouakchott, l’économiste Mohamed Mahmoud Ould Mah, le chef de l’État Maaouiya Ould Sid’ Ahmed Taya fut élu président avec un résultat de 62,65 %. Des élections législatives controversées constituant le nouveau système bicaméral (Sénat et Assemblée nationale) eurent lieu en mars et avril de la même année ; et en janvier-février 1994, de nouvelles élections municipales furent organisées dans le pays.
Le paysage politique mauritanien se constitua rapidement à partir des forces de droite et de gauche : le Parti républicain démocratique et social (PRDS) de centre droit ; le Rassemblement pour la démocratie et l’unité (RDU) de centre gauche ; l’Union pour la démocratie et le progrès (UDP) ; l’Union des forces démocratiques-ère nouvelle (UFD/EN) ; avec quelques mouvements aux extrêmes (le parti ba’athiste, Al-Talia, et la mouvance AI-Hor de l’UFD/EN, en particulier). Dominé par le PRDS – vainqueur systématique à toutes les élections –, ce panorama politique n’en est pas moins rapidement devenu d’abord bipolarisé (PRDS contre UFD/EN), puis orienté vers le centre (durant l’été 1993 lors de la formation de l’UDP) et, plus récemment, de nouveau polarisé.
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