Cette étude est particulièrement intéressante, alors que le conflit en ex-Yougoslavie dure depuis quatre ans.
Bosnie-Croatie et Serbie : deux États pour la paix en ex-Yougoslavie
L’une des causes principales de la guerre en ex-Yougoslavie est que, lors de l’éclatement du pays, on a conservé les frontières des anciennes républiques fédérées au lieu d’essayer de tracer de nouvelles délimitations conformes aux désirs des populations locales. On a donc accordé au respect de la structure administrative la prééminence sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En même temps, on a généralement privilégié comme base de l’identité culturelle le critère religieux qui conduit fatalement au repli sur les valeurs les plus sclérosantes, au lieu de mettre en évidence d’autres éléments tels que la langue et l’histoire commune, qui permettent l’évolution, la diversité et l’ouverture à autrui.
C’est ainsi que la communauté internationale a accepté que l’ensemble linguistique serbo-croate — qui était le fondement de la Yougoslavie — se scinde en trois nouvelles entités étatiques : la Croatie à dominante catholique ; la fédération de Serbie et Monténégro à dominante orthodoxe ; la Bosnie-Herzégovine multireligieuse, mais à dominante musulmane. Ce faisant, on avait négligé le fait que les très importantes minorités serbes de Croatie et Bosnie-Herzégovine étaient totalement opposées à l’éclatement de la Yougoslavie ; il était logique que ces communautés se révoltent pour réclamer leur rattachement au nouvel État de Serbie et Monténégro (qui, du reste, continue à s’appeler officiellement « Yougoslavie »). Les crimes qu’ont commis les milices serbes contre les populations civiles musulmanes sont inexcusables, mais cela ne doit pas faire oublier que la guerre a été initialement provoquée par la politique sécessionniste des dirigeants de Croatie et de Bosnie-Herzégovine. Dans cette dernière république, l’indépendance n’était désirée que par la communauté musulmane (45 % environ). Le fait que, depuis le début, la communauté serbe (35 % environ) se soit battue si violemment contre le concept même d’un État de Bosnie-Herzégovine devrait amener à s’interroger sur l’opportunité des choix politiques qui ont été opérés jusqu’à présent et sur la compétence des politiciens qui militent encore pour l’unité de ce territoire. Quant à la communauté croate de Bosnie-Herzégovine (20 % environ), elle a toujours eu une position ambiguë, mais il est clair que son vœu le plus cher est d’être intégrée à la république de Croatie.
De fait, les experts de l’Onu ont été obligés de se rendre compte que la majorité de la population de Bosnie-Herzégovine rejette la création d’un État indépendant et unitaire, ce qui fait que la plupart de leurs plans de paix ont visé à transformer ce territoire en une fédération de cantons religieux autonomes (orthodoxes, catholiques ou musulmans). On voit ce paradoxe : alors que la Bosnie-Herzégovine est présentée par ses défenseurs comme un projet d’État laïque et démocratique, les plans proposés par l’Onu devaient déboucher sur la création d’une mosaïque de petites féodalités dirigées par une alliance de seigneurs de la guerre et de prélats intégristes.
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