Le Parlement grec a ratifié le 31 mai, à l’unanimité, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ce qui donne à Athènes le droit d’étendre la largeur de ses eaux territoriales en Méditerranée, en mer Ionienne et en mer Égée, actuellement de 6 milles marins, jusqu’à 12 milles. La Turquie, qui n’a pas signé ni ratifié la Convention, a aussitôt mis en garde la Grèce contre toute modification du statu quo, qui, à son avis, entraînerait une aggravation radicale des relations entre les deux pays, déjà largement compromises par l’affaire de la République turque de Chypre du Nord et par un certain nombre d’incidents en mer Égée. L’auteur expose la situation actuelle ainsi que les positions de la Grèce et de la Turquie, dont la complexité ne facilite pas la recherche d’une solution équitable.
La tension gréco-turque en mer Égée
Pays riverains de la mer Égée, partie la plus orientale de la Méditerranée, la Grèce et la Turquie font partie des Balkans, de l’Europe et de la Méditerranée. Ils sont aux confins de l’Occident et de l’Orient, des mondes slave et latin, de l’Europe et des contrées arabo-musulmanes. Il en résulte que leurs politiques étrangères sont complexes, car ils s’efforcent, l’un et l’autre, d’entretenir des relations de bon voisinage avec les pays très divers qui les entourent. Moyennement développés, ils sont tentés, l’un et l’autre, de faire appel à l’aide économique et technique des grandes puissances, et ils sont, à cet égard, en position de concurrence. Enfin, leurs histoires politiques, depuis la Seconde Guerre mondiale, montrent que leurs régimes sont instables et que les acquis démocratiques y sont précaires, des gouvernements autoritaires y ayant à plusieurs reprises établi des régimes forts (1).
Dans le nord de la mer Égée, les frontières terrestres issues des deux dernières guerres mondiales expriment le désir des grandes nations maritimes de l’Ouest d’éloigner les peuples balkaniques et slaves des détroits du Bosphore et des Dardanelles, donc de leur interdire un accès à la mer. C’est le rôle des territoires grec et turc. Les frontières maritimes sont plus complexes : elles doivent être tracées selon les principes issus de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, qui est entrée en vigueur en novembre 1994, et qui a été ratifiée par la Grèce. Le refus de la Turquie de la signer et de la ratifier ne facilite pas les négociations entre les deux pays, qui s’en tiennent généralement au principe de l’équidistance ; mais celui-ci n’est qu’un moyen de parvenir à l’équité, qui demeure l’objectif final de toute solution juste et équilibrée. L’équidistance n’est pas défavorable à la Turquie en mer Noire. Ce n’est plus le cas en mer Égée, à cause de la souveraineté nationale historique de la Grèce sur une multitude d’îles, petites ou moyennes, proches de la côte d’Asie Mineure, qui ne laissent à la Turquie qu’un mince liseré maritime sublittoral, et une part étroite de la plate-forme immergée (2).
La souveraineté grecque sur les îles de la mer Égée n’est pas ouvertement contestée par la Turquie, mais cette dernière redoute une extension de la mer territoriale grecque, actuellement de 6 milles marins, jusqu’à 12 milles, ce qui la priverait d’un accès direct à la haute mer. Elle craint également que la Grèce n’étende son espace aérien sur une bande de 4 milles marins au large de ses eaux territoriales, ce qui compliquerait sa navigation aérienne.
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