En août-septembre 1994, l'auteur, grand spécialiste du monde soviétique, ancien commandant de la 2e DB, avait montré combien restait indispensable la force blindée dans la stratégie actuelle. Ici, il applique ce principe à la constitution d’une force qui serait susceptible de répondre à toutes les menaces envisageables, et d’effectuer toutes les missions que lui assignerait le gouvernement.
Vers un modèle unique de force armée
Les impératifs budgétaires se conjuguent à la modification des rapports de force et au bouleversement des relations internationales pour contraindre les Français à opérer des choix pour la défense. Ceux-ci ont été longtemps différés et portent essentiellement, en dehors des capacités nucléaires, sur deux hypothèses majeures qui paraissent à première vue contradictoires quant au modèle de force qu’il s’agit de constituer : affrontement avec une puissance industrialisée développée ou gestion des crises et intervention extérieure. Par ailleurs, d’aucuns, sous le poids du déficit budgétaire, mettent en exergue la fin d’une ère de conflits de grande envergure pour préconiser une diminution draconienne du budget de la défense.
La pérennité du recours à la force et l’uniformisation des armements
Il y a lieu de partir d’un constat. La fin de la guerre froide ne signifie en aucun cas que les relations internationales sont exemptes du recours à la force, et celles-ci sont sujettes à des rebondissements et à des bouleversements qui se produisent en quelques années, voire en quelques mois. Qui donc avait prévu clairement, dans la première moitié des années 80, la dislocation du pacte de Varsovie et de l’Union soviétique, comme la fin de la guerre froide ? Dans le courant des années 70, on ne cessait de prédire une explosion en Yougoslavie à la mort de Tito, et même l’étincelle allumant la Troisième Guerre mondiale. L’explosion a bien eu lieu, mais dix ans après la mort de Tito et pour des raisons qui n’ont aucun rapport avec elle. Or, de toujours, il a fallu une quinzaine d’années pour imaginer, concevoir et commencer à industrialiser un système d’arme. Cela est vrai du fusil modèle 1777 comme d’un porte-avions à propulsion nucléaire. Il en découle que la force armée, dont un pays a besoin, a été conçue et développée au moins une vingtaine d’années avant qu’elle ne soit engagée sur un théâtre d’opérations, dans l’ignorance, donc, de ce dernier, comme des circonstances internationales conduisant à l’engagement.
Nul ne peut ainsi affirmer que d’ici deux décennies, la France, au sein d’une coalition ou non, ne soit confrontée à un pays industrialisé développé disposant d’une force militaire apte à mener des opérations de grande envergure.
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