La France face aux nouveaux choix stratégiques
Dans le débat sur les stratégies futures de prévention et d’action, mon propos portera sur le cas français. Je m’exprimerai en tant qu’analyste et non pas en tant qu’industriel : il y a d’autres moments pour cela.
La prévention
Tout d’abord, en ce qui concerne la prévention, on rencontrera inévitablement le problème, qui se posera ensuite pour l’action, de savoir à partir de quels niveaux de mise en cause de nos intérêts il sera nécessaire de mettre en place une stratégie en bonne et due forme. Certes, cela devrait être plus facile à propos d’une stratégie de prévention, puisque celle-ci ne passera pas nécessairement par l’emploi mortel de la force. De fait, il faut, en amont, avoir répondu à la question : « Quel type d’intérêts veux-je préserver ? ». S’agit-il seulement des intérêts vitaux ? en ce cas on fera fort peu de prévention ; s’agit-il d’intérêts stratégiques ? mais comment à ce moment-là définira-t-on ceux-ci ? Je me contente à ce stade de poser ces questions, mais elles sont, je crois, à l’esprit de tout un chacun lorsque nous envisageons l’avenir de nos interventions, par exemple, en Bosnie.
Deuxième observation sur la prévention, et par contraste avec ce qui se passera pour l’action, les principaux moyens employés ne seront pas, le plus souvent, militaires, mais bien économiques, politiques et institutionnels. Si nous n’avons pas eu de conflit en Europe centrale, c’est en partie parce qu’un certain accompagnement politique, économique et institutionnel a été réalisé. Ce n’est pas le nombre de nos chars qui a compté, mais bien le nombre des écus, toujours insuffisant, et la nature des institutions que nous pouvons bâtir ensemble. Ayant dit cela, la force militaire doit avoir sa place, et je dirai même plus, qu’elle ne doit pas être forcément de dernier recours, d’ultima ratio. Il y a une leçon à tirer de l’affaire bosniaque, ou de l’affaire du Golfe : c’est bien qu’il eût fallu utiliser le déploiement de forces militaires préventives comme proxima ratio. En ex-Yougoslavie, dans la deuxième moitié de 1991, les autorités bosniaques — le pays n’était pas encore indépendant — avaient demandé à ce qui allait devenir la Forpronu de mettre en place des casques bleus également en Bosnie, et que ce pays ne soit pas seulement la base arrière, le lieu de repos des casques bleus qui allaient servir en Croatie. Cela fut, à l’époque, refusé pour des motifs divers par les envoyés spéciaux des Nations unies. Je ne sais pas si un tel déploiement préventif aurait empêché les événements ultérieurs de se dérouler, mais il est difficile d’imaginer que les choses eussent pu être pires ou même aussi mauvaises qu’elles l’ont été ensuite. Ainsi, si la force armée n’est généralement pas le moyen principal de prévention, son emploi doit être imaginé dans certaines circonstances comme proxima ratio et non pas comme ultima ratio.
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