Biographie de Jean Moulin pendant la Seconde Guerre mondiale : du préfet pendant l'invasion de la France en mai-juin 1940 au résistant, envoyé du général de Gaulle depuis Londres pour unifier la Résistance, capturé et torturé par la Gestapo le 21 juin 1943.
Pages d'histoire - Jean Moulin, héros et martyr de la Résistance
En 1939, quand éclate la deuxième guerre mondiale, Jean Moulin est préfet d’Eure-et-Loir, à Chartres. C’est un des plus jeunes préfets de France, appelé aux plus hautes destinées tant par sa valeur administrative que par son caractère et son intelligence. Originaire du Languedoc, il appartient à une famille de professeurs où il fut élevé dans l’amour de la, Patrie et de la République. Dès septembre 1939, son patriotisme enthousiaste lui commande de demander au ministre de l’Intérieur sa désignation pour les armées. Malgré plusieurs lettres où il sollicite sa mobilisation comme une faveur, le ministre de l’Intérieur le 15 novembre 1939 le maintient à son poste. Il réussit cependant, à force de démarches à être envoyé comme sergent au Bataillon de l’Air 117. Mais le ministre de l’Intérieur le classe en affectation spéciale pour une durée indéterminée comme préfet d’Eure-et-Loir. C’est dans ces fonctions qu’il fera la preuve en 1940 qu’il est à la fois un chef et un grand Français. Alors que, dans trop de départements, autorités civiles et militaires fuient devant l’avance des armées allemandes, au moment où la panique jette sur les chemins de France des millions de Français en proie à la peur, Jean Moulin donne à Chartres l’exemple en restant à son poste malgré les bombardements et sans se couvrir des ordres malheureux de repli donnés par les autorités supérieures. Homme de cœur, il ne veut pas abandonner ses administrés sous l’occupation ennemie. Avant l’arrivée des Allemands il déploie toute son activité pour maintenir le ravitaillement des habitants de Chartres et des réfugiés et dans quelles conditions !
Toutes les administrations qui assurent en temps normal la vie de la Cité ont abandonné Chartres : eaux, gaz, électricité, voirie, police, gendarmerie, pompiers. Les dernières troupes françaises, le 7e Régiment de dragons portés, sous les ordres du commandant de Torquet, font preuve d’un excellent moral, mais doivent battre en retraite. Le préfet Jean Moulin restera seul pour discuter avec le vainqueur et protéger les habitants du département d’Eure-et-Loir.
C’est dans la cour de la préfecture, face au drapeau tricolore, qui flotte au-dessus de la grille d’entrée, qu’il se tiendra le 17 juin, dès 7 heures du matin, en compagnie du maire bénévole M. Besnard et du représentant de l’évêque, Mgr Lejards. Après le passage des motocyclistes et des automitrailleuses, une grosse voiture vient stopper devant la préfecture. Le général allemand qui en sort déclare qu’il considère le préfet comme responsable de l’ordre ; il l’invite à demeurer à son poste et à dire à ses administrés que la guerre est finie pour eux. Jean Moulin insiste pour que les troupes allemandes respectent la population, particulièrement les femmes et les enfants. Le général allemand lui en donne l’assurance et repart en automobile. À 14 h 30, Jean Moulin reçoit la nouvelle qu’à Luray une femme de quatre-vingt-trois ans a été exécutée, le matin même du 17 juin 1940, pour avoir protesté contre l’occupation de sa maison. Attachée à un arbre, elle a été fusillée sous les yeux de sa fille, obligée, en outre, de creuser elle-même la tombe de sa mère. Vers 18 heures, le préfet dîne à la préfecture quand deux officiers allemands le font appeler d’urgence. Sur un ton déférent, ces officiers, qui appartiennent à la Gestapo, le prient de les suivre pour voir le général qui a une communication importante à lui faire. Arrivés à l’Hôtel de France, ces officiers l’avertissent que les troupes noires françaises ont commis des atrocités dans le département en massacrant des enfants et des femmes après les avoir violées. Les services de l’armée allemande, disent-ils, ont rédigé un protocole pour établir les responsabilités de l’armée française. Ce protocole doit être signé par le général, au nom de l’armée allemande, et par le préfet du département. Stupéfait, Jean Moulin proteste contre des accusations qui jettent le discrédit sur les tirailleurs. D’un ton sec, l’officier allemand maintient son point de vue et dit : « Suivez-moi chez le général ». Dès son entrée dans l’immeuble, il se trouve en présence d’un nouvel officier, assisté des deux précédents. Celui qui paraît être le général, lui tend le protocole en l’invitant à signer. Jean Moulin refuse. Il ne peut, dit-il, parafer une pareille infamie.
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