Nous sommes heureux de publier cet article que l'auteur a bien voulu rédiger à l'intention du grand public s'intéressant aux questions de Défense nationale. Après avoir brossé largement les méthodes du Vietminh, le commandant des Forces aériennes d'Extrême-Orient en déduit un certain nombre de suggestions que les hauts responsables de la conduite de la guerre et de la politique en Indochine n'ont pas manqué de tirer, puisqu'elles ont déjà reçu un commencement d'exécution et le recevront chaque jour davantage avec la participation de plus en plus large des États Associés à l'effort de guerre commun.
Guerre en Indochine
Une guerre civile nationale. — La guerre qui se déroule aujourd’hui en Indochine est essentiellement une guerre civile nationale insérée dans le cadre général d’une guerre civile internationale. D’aucuns croient qu’il s’agit là d’un petit conflit du type colonial, livré dans des conditions particulières et d’où une grande puissance ne peut tirer aucune leçon pour l’avenir. C’est là une erreur grave. Bien au contraire en effet, la guerre d’Indochine, beaucoup plus que la guerre de Corée, préfigure assez exactement la forme que pourrait prendre un futur conflit, même s’il se déroulait en Europe. Elle est donc particulièrement intéressante à étudier.
En effet, on voit ici se confronter pour la première fois deux systèmes de guerre : d’une part, le système de guerre communiste, qui sans faire fi de la machine, met essentiellement l’accent sur l’homme, applique la méthode de la fourmilière, et place au premier rang le soutien du peuple ; de l’autre, le système occidental, qui, cherchant à sauver le maximum de vies humaines, met l’accent sur la machine, et qui, supposant à priori que le moral est bon et le peuple décidé à se battre, ne s’occupe que très peu des questions d’endoctrination.
Pour le Vietminh, parti communiste orthodoxe, la guerre n’est pas la continuation de la politique par d’autres moyens. La guerre et la politique s’entremêlent et l’action de l’une ne cesse pas quand commence l’autre. Le Vietminh sait qu’on ne gagne pas une guerre civile si on n’a pas le soutien du peuple : il suit l’exemple de Mao Tsé-Toung et ses leçons. La méthode, qui est éternelle, consiste à s’adresser à la masse misérable en faisant appel, d’une part, aux sentiments profonds de justice et d’égalité, de l’autre, aux sentiments raciaux : nationalisme et xénophobie. Slogans intérieurs : « La terre à ceux qui la travaillent », « Mort aux concussionnaires », « Le peuple au pouvoir »… Slogans extérieurs : « L’Indochine aux Indochinois», « Mort aux envahisseurs », « Les Français en France », « Mort aux traîtres »… Tous les « stratagèmes » sont bons. La Démocratie agraire en est un : jamais les leaders vietminh ne parlent au peuple de collectivisme. Jamais ils ne leur parlent de dictature du parti communiste. Peu leur importe que les paysans se rendent compte un jour qu’ils ont été trompés, s’ils leur ont donné leur appui au moment où cet appui est nécessaire, c’est-à-dire pendant la durée de la guerre.
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