« Sans liberté d’action, pas de véritable souveraineté nationale ; sans partage équilibré des efforts, pas de sécurité européenne durable » ; telle est la contradiction dans laquelle la France refuse de laisser enfermer son effort de défense. Tel est aussi le thème qu’explore aujourd’hui Jean Dufourcq dans la continuité des réflexions qu’il conduit sur le renouveau de la politique de sécurité de la France et dont notre revue se fait régulièrement l’écho ( « Sécurité et initiatives », novembre 1993).
De l'autonomie stratégique à la sécurité collective
Les problèmes de défense ne mobilisent plus les Européens. À l’insécurité qu’ils vivent au quotidien, ils ne voient aucune réponse militaire ; leurs préoccupations sont ailleurs, économiques, sociales, politiques, écologiques, éthiques même. Des crises qui troublent la périphérie de l’Europe, ils ne retiennent que les problèmes de partage des responsabilités, des risques et des coûts. Le temps est donc logiquement au repli des moyens militaires nationaux, et au transfert progressif des actions de sécurité vers des systèmes collectifs, européens autant que possible.
Pour la France, c’est une transition délicate à conduire. Certes, chacun de nous peut assez bien deviner ce qu’il convient de faire car le cadre général est tracé. À l’intérieur, armée professionnelle, redéploiement industriel, plafonnement budgétaire ; on y parviendra parce qu’il y a plus de degrés de liberté qu’on ne le dit généralement ; mais à l’extérieur, ne touche-t-on pas à l’essentiel, la souveraineté ? Certes, la perspective a été bien dessinée : confier l’essentiel de la sécurité de la France à une défense européenne authentique dans une Otan rénovée ; mais transférer la défense de nos intérêts nationaux à un vieux cadre collectif, fût-il remanié, n’est-ce pas tenter de résoudre la quadrature du cercle ?
Alors, de l’autonomie stratégique affichée à la sécurité collective choisie, chacun voit bien que la route va être longue et parsemée d’embûches et que si le train doit être soutenu, la démarche devra rester circonspecte, car il s’agit ni plus ni moins que d’obtenir d’un système collectif européen le maximum de sécurité et de stabilité, tout en préservant un minimum de liberté d’action politique, opérationnelle, industrielle…
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