L'importance stratégique de l'Afrique du Nord
Les luttes pour l’hégémonie en Europe ont constamment opposé la puissance continentale du moment à la puissance maritime. Tour à tour la France de Louis XIV et de Napoléon, l’Allemagne des Hohenzollern et de Hitler ont vu leurs entreprises de domination européenne mises en échec par les puissances qui disposaient de la liberté des mers : l’Angleterre, puis plus récemment les États-Unis d’Amérique. Dans ses « Théories Stratégiques », l’amiral Castex, analysant l’histoire de l’Europe moderne, avait pu, dès la fin de la première guerre mondiale, prophétiser l’aventure hitlérienne et prévoir la lutte d’influence à laquelle se livrent présentement dans le monde les deux forces opposées. Si cette lutte froide se transformait un jour en conflit ouvert, se manifesterait à nouveau, à l’échelle mondiale, l’antagonisme de la puissance continentale eurasiatique et des puissances maritimes atlantiques.
L’un des principaux actes de la stratégie soviétique viserait, je pense, à la conquête du littoral de la péninsule européenne pour limiter les possibilités d’action de la coalition maritime. La défense de l’Europe occidentale péninsulaire, elle-même ramifiée en de multiples presqu’îles (balkanique, italienne, ibérique, bretonne et Scandinave) ne peut donc être assurée que dans la mesure où ses tenants contrôleront les mers qui la baignent et pourront acheminer vers elle les troupes et les matériels en provenance d’Outre-Mer et, au premier chef, du gigantesque arsenal américain.
Mais, en raison des distances à couvrir par les flottes maritimes de transport, cet effort serait vain s’il ne pouvait être relayé. La nature a heureusement disposé deux relais essentiels qui, de surcroît, couvrent et épaulent la défense de l’Europe occidentale : la Grande-Bretagne et l’Afrique du Nord française. Ces deux flancs-gardes légèrement en recul, protégés par un espace maritime, peuvent, en effet, jouer, selon le cas, le rôle de bastion défensif ou de tremplin offensif vis-à-vis du théâtre Europe.
Il reste 90 % de l'article à lire