L’importance prise par la Tunisie dans la conscience française, particulièrement depuis trois ans, pourrait sembler surprenante. Sans doute le Français moyen s'intéresse-t-il, encore aujourd'hui, trop peu aux réalités d'outre-mer et aux pays qui, avec la France, constituent l'Union française. La guerre d'Indochine elle-même, si sanglante et si lourde pourtant, semble faire partie, hélas, des habitudes de chacun et seuls les responsables du pays et les parents des combattants participent vraiment, par leurs décisions et leurs angoisses, à cette épreuve douloureuse dont la nation n'a pas assez intimement conscience.
Destin de la Tunisie
L’importance prise par la Tunisie dans la conscience française, particulièrement depuis trois ans, pourrait sembler surprenante. Sans doute le Français moyen s’intéresse-t-il, encore aujourd’hui, trop peu aux réalités d’outre-mer et aux pays qui, avec la France, constituent l’Union française. La guerre d’Indochine elle-même, si sanglante et si lourde pourtant, semble faire partie, hélas, des habitudes de chacun et seuls les responsables du pays et les parents des combattants participent vraiment, par leurs décisions et leurs angoisses, à cette épreuve douloureuse dont la nation n’a pas assez intimement conscience.
La Tunisie est moins lointaine et si, pour reprendre le titre d’un livre récent, on peut la situer, avec l’Indochine, « aux frontières de l’Union française », cette frontière qui borde la Régence est singulièrement proche de la métropole et les problèmes tunisiens bien différents de ceux de l’Indochine. Ni le souvenir de Jules Ferry ni le recours à de superficielles comparaisons ne parviennent à lier les uns et les autres en vue de solutions identiques. La Campagne de Tunisie et le rôle joué par l’Afrique du Nord dans la libération du territoire français, le mouvement des échanges et la rapidité des communications entre la France et Tunis, l’habitude enfin prise par chacun, depuis l’école primaire, de considérer ensemble la Tunisie, l’Algérie et le Maroc, contribuent à l’originalité des problèmes de la proche Afrique par rapport à ceux de l’Extrême-Orient.
Mais au sein même de l’Afrique du Nord, nuançant les ressemblances des trois pays et les affinités des trois peuples, la géographie, l’histoire et l’économie ont imprimé à la Tunisie des traits particuliers. Paul Lapie avait écrit en 1898 un livre remarquable sur « Les civilisations tunisiennes » et s’était montré sensible aux différences qui séparaient Musulmans, Israélites et Européens. Aujourd’hui, pour qui connaît le Maroc et l’Algérie, le charme indéniable de la Tunisie, qui s’impose même dans les périodes les plus troublées, naît justement, autant que de la douce ou sévère harmonie des paysages, du sentiment qu’ici des contrastes se sont fondus, que des oppositions peuvent s’assouplir, que par-delà les heurts d’intérêts ou les chocs idéologiques l’effort des hommes peut préparer les synthèses valables qu’appellent les difficultés du présent et les angoissantes perspectives de l’avenir. Si l’on a reconnu, dans cette revue même, une « vocation occidentale » au Maroc, celle de la Tunisie apparaît plus complexe et subtile. Ce pays a toujours été propice aux contacts de civilisations et l’on pourrait, sans risque excessif, le définir comme africain et européen, oriental et occidental, en un mot méditerranéen.
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