Les interventions de nos forces armées se sont récemment multipliées en raison de la recrudescence de crises extérieures à la résolution desquelles nous devions participer. L'auteur appelle notre attention sur le vide juridique concernant ces opérations, situation à laquelle il est urgent de remédier.
Le statut juridique des actions extérieures
La peur ancestrale des invasions, et donc de la guerre pour la défense du sol de la patrie, s’est évanouie avec l’éclipse de la puissance moscovite. Même si notre territoire reste vulnérable à des actions terroristes, l’ennemi n’est plus à nos frontières ni même à « une étape du tour de France ». Le sentiment relatif de sécurité que la stratégie de dissuasion nucléaire avait inspiré, même aux pires moments de la guerre froide, s’est ainsi épanoui de façon imprévue. Pour autant, la porte du temple de Janus (1) n’a pas été refermée, car si les crises nées de l’affrontement nucléaire ont disparu avec ce dernier, d’autres sont apparues d’une tout autre nature, paradoxalement plus dangereuses puisque les garde-fous n’existent plus.
La révolution de l’informatique permettant à chacun de vivre l’information en direct a, de son côté, transformé la perception politique mais aussi populaire. Chaque citoyen se trouve désormais médiatiquement sollicité, voire manipulé, et impliqué « à chaud » dans des crises jadis perçues comme lointaines, pesant ainsi sur les décisions politiques.
Il paraît donc bien souvent indispensable de gérer ces crises dans l’intérêt national. Gérer, c’est-à-dire, au-delà d’un vocabulaire pudiquement aseptisé, recourir à la force armée et éventuellement payer le prix du sang ; d’où la fréquence sans cesse croissante de nos interventions, leur banalisation pourrait-on dire, tandis que la notion de projection de forces est reconnue comme une priorité par le Livre blanc sur la Défense. Cependant, entre paix et guerre, la notion de crise n’a aucune existence juridique. Dépouillé de la dramaturgie qui permettait de passer d’un état à l’autre, l’engagement de la force armée, hors du territoire national, s’effectue donc en l’absence d’un cadre légal pour le déclencher, en réglementer l’emploi, organiser le concours de la nation à l’action engagée et finalement prendre soin des victimes.
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