Politique et diplomatie - Le temps des trafics
La mondialisation bouleverse bien les conditions de la politique internationale : contraction massive de l’espace et du temps ; chute des coûts de transports et de communications ; dislocation des barrières ; explosion des flux et des réseaux ; mobilité extrême des capitaux ; mise en concurrence généralisée, non seulement des entreprises, mais aussi des États, des institutions, des individus ; constitution d’un espace mondial de compétition ; déplacement incessant du pouvoir, celui-ci résultant moins de la masse (territoire, population, ressources naturelles…) que de la position aux carrefours pertinents (ainsi le marché des transports aériens dominé par les grands systèmes de réservation) ; enfin, naissance d’une forme de conscience planétaire, fondée sur l’intuition que la maîtrise de problèmes majeurs (maintien de la paix, organisation des échanges, gestion du patrimoine naturel) exige des solutions globales. La fin de la guerre froide, la chute du camp soviétique, loin d’être les causes de ces mutations, n’en sont au contraire que des conséquences, la mondialisation balayant toutes les forteresses, qu’il s’agisse de l’URSS, des trade-unions britanniques ou d’Air France. Tout ce qui n’est pas sans cesse vivifié par les mouvements — d’hommes, d’idées, d’argent… — se crispe sur l’illusion des avantages acquis, se momifie et se décompose au premier choc : vague spéculative, innovation technique…
Voici le temps des trafics ! Le trafic peut être défini comme tout échange ne s’inscrivant pas dans les règles établies, trichant avec elles : trafics de drogue, d’argent sale, d’armements, de matières fissiles, de déchets toxiques, de cassettes pornographiques et même d’enfants ou d’organes. Il y a bien multiplication, amplification de ces trafics. Ceux-ci occupent désormais une place essentielle dans les préoccupations de sécurité, les États — d’abord occidentaux — redoutant moins l’agression extérieure que la déstabilisation par le terrorisme ou la décomposition morale.
Un phénomène de fond
Ces trafics peuvent être provoqués ou plutôt soulignés par des accidents. Ainsi la fin de l’antagonisme Est-Ouest et surtout la dissolution de l’Union soviétique entraînent-elles la formation d’un marché noir des armements et des matières fissiles, des militaires ex-soviétiques, se découvrant pauvres et abandonnés à eux-mêmes, cherchant à se procurer des recettes financières et trouvant des clients grâce aux abcès du monde post-Est-Ouest (ex-Yougoslavie, Caucase, Asie centrale…). De même, la disparition de l’URSS élargit-elle vers l’Asie centrale le croissant d’or (Iran, Afghanistan, Pakistan), zone majeure de culture du pavot. Cependant, ces trafics sont bien typiques d’une planète mondialisée. Quatre facteurs se conjuguent.
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