Les forces terrestres : vecteur des stratégies d'influence
Les systèmes de forces conçus pendant la guerre froide correspondaient à une logique d’affrontement direct, physique, que la dissuasion nucléaire rendait malgré tout virtuel. Ne rien faire ou disparaître, telle était l’alternative garante de la paix. L’ère ouverte depuis le début de la décennie est radicalement différente. La synthèse des évolutions stratégiques, du projet politique du pays, des évolutions technologiques et de la capacité des sociétés à accepter ici ou à souhaiter, ailleurs, l’emploi de la force, fixe un cadre totalement renouvelé pour la conception des systèmes de forces qui soient les mieux adaptés. L’interdiction de la guerre totale demeure, mais il faut aussi agir pour prévenir ou limiter les conflits, et pouvoir peser, d’une part sur l’ensemble des données, notamment psychologiques, du duel des volontés, d’autre part sur les recompositions géopolitiques en cours, prioritairement en Europe.
À l’exercice singulier de la puissance nationale se substitue progressivement l’adoption de modes décisionnels plus collégiaux, mis en œuvre notamment au sein de l’Organisation des Nations unies ou de l’Union européenne, et qui nécessitent que soient de mieux en mieux maîtrisés les subtils voies et moyens de l’influence. Militairement, cette influence doit pouvoir s’exprimer sur les modes de la persuasion, de la protection et, si nécessaire, de l’agression. Elle nécessite d’être au contact dans la durée. Or, cette caractéristique est justement au cœur de la spécificité des forces terrestres. Celles-ci agissent au sol et près du sol, mettant indifféremment l’équipier, le frère d’arme, le chef, au contact des populations civiles à assister ou à contrôler ; au contact des adversaires à maîtriser ou à réduire ; au contact des partenaires et des alliés à appuyer ou à convaincre…
L’adaptation réactive dont elles sont capables comme la modularité de leurs structures et de leurs capacités les mettent à même de maîtriser la complexité et l’interactivité des champs d’affrontement matériels et immatériels qui caractérisent le duel des volontés. Par ces qualités propres, les forces terrestres peuvent préparer et conduire l’action dans des contextes opérationnels incertains qui défient l’analyse et la prévision, tout en s’insérant aisément dans des cadres collectifs. Elles constituent bien, selon le vocable un peu technique désormais usité, le système de forces permettant de maîtriser le milieu aéroterrestre.
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