Anciens combattants et défense
La défense reflète trop une société pour fonder sur des modèles étrangers une réflexion quant aux liens à établir entre anciens combattants et armée.
Des exemples à l’étranger
Les deux seuls exemples se situent, à dessein, aux antipodes politiques.
La 81e division aéroportée américaine célébra comme il suit le 11 novembre 1989 dans l’Arizona.
Des mutilés de guerre ouvraient le défilé ; des élèves officiers des trois armées, en grande tenue (les marins, garçons et filles, sabre au côté) poussaient les invalides dans leurs fauteuils roulants.
Un camp accueillait des rescapés du Vietnam. Ils y étaient soignés, nourris et habillés. Même les plus affaiblis se levèrent spontanément pour saluer militairement l’hymne national.
Le général nous annonça que le mur de Berlin avait été forcé dans la nuit. Il prit l’initiative d’exhorter les États-Unis à ne pas baisser la garde par souci d’économies.
Une délégation massive de l’American Legion, bonnets de police en tête, applaudit avec véhémence. Il est vrai qu’une grande fortune, audacieusement gérée, assure une pleine indépendance à cet organisme, qui n’hésite pas à influencer ouvertement les élections, fussent-elles présidentielles.
En République démocratique allemande, d’une façon générale, tout se passait comme si les déportés « résumaient » l’ensemble des anciens combattants.
Sans doute le président Honecker, le chef d’état-major et des ambassadeurs étaient-ils des leurs, mais nous constatâmes leur prééminence au comité antifasciste, comme leur accès aux archives. Par ce biais les déportés influençaient l’administration, les autorités locales, les entreprises… voire le parti.
Buchenwald illustra ce rôle. Il demeura un bagne aux mains des occupants et de la Stasi bien après la fin de la guerre. Puis ce camp de concentration fut restauré et aménagé. Instituteurs, professeurs et officiers y effectuaient des stages comme ils y conduisaient écoliers et recrues des provinces les plus éloignées. Une colonne se dressait dans l’axe de la sinistre « carrière » à l’emplacement de la tour Bismarck où les promotions de S.S. prêtaient serment. Une visite au cœur historique de Weimar, reconstruit avec art, et un recueillement à la maison de Goethe clôturaient ce pèlerinage.
En France
En France les militaires ne se considèrent pas toujours comme de « futurs anciens combattants ». En revanche, les vétérans n’oublient pas, le plus souvent, qu’ils furent des militaires.
Néanmoins l’armée organise leurs cérémonies majeures ; elle leur offre logistique et locaux, même si les démarches sont parfois laborieuses. Il est à souhaiter que la contraction du budget militaire ne tarisse pas ce précieux apport. La suppression de la conscription pose un problème analogue aux administrations et associations en les privant d’utiles collaborateurs. Desserrer ces liens nuirait autant à la nation qu’à l’armée.
Les attachés militaires assistent en Afrique nos frères d’armes qui pérennisent notre souvenir. Une revalorisation du revenu de ces vétérans — peu ruineuse pour le budget — compléterait encore ce devoir de reconnaissance. Elle prolongerait le redressement amorcé. L’éducation nationale par ses bourses et ses colonies de vacances — surtout au profit des harkis et de leurs familles — épaulerait cet effort.
L’Allemagne ne pratique-t-elle pas cette « diplomatie » en Amérique du Sud, tandis que ses Instituts Goethe contribuent à former de futurs cadres au Proche-Orient ?
La coopération des anciens combattants à la défense n’est pas moins nécessaire
Ils pourraient l’amplifier en participant concrètement au réveil du patriotisme et de l’esprit civique.
Les vétérans devraient « apprendre à apprendre ». Les adolescents taxent vite de « rabâchages » de trop longues évocations du passé, hypnotisés qu’ils sont par les jeux électroniques et l’Internet. Aussi, mieux vaudrait-il expliquer les causes et les conséquences des événements. Des souvenirs personnels se borneraient à les illustrer sobrement. Enfin, pour éviter la monotonie du monologue, on susciterait le débat. Ainsi, lors de rencontres officieuses avec des enseignants et des officiers, les anciens combattants pourraient apporter librement le concours qui leur serait demandé dans les écoles comme dans les casernes.
L’appoint des vétérans aux réserves est à imaginer
L’armée aura à compléter ses effectifs réduits lors des crises extérieures graves. Police et gendarmerie seront également concernées dans d’éventuels troubles intérieurs. Enfin, la protection civile gagnera à se renforcer si surviennent des catastrophes majeures.
Sans doute la formation permanente des réserves incombe-t-elle évidemment aux utilisateurs ; mais on ne dissimulera pas les contraintes familiales et professionnelles que suscitent les périodes. Civisme et patriotisme contribueraient à les supporter. Les anciens combattants qui, sous les armes et dans les camps, ont souffert de pires sacrifices, pourraient les rappeler s’ils y mettaient le doigté qu’exige une nouvelle génération.
Le Canada illustre cet exemple. Il a engagé en Serbie des « régiments mixtes » (active-réserve). Les hommes ont fait leur devoir et les employeurs « frustrés » les ont réembauchés spontanément. Aux États-Unis d’Amérique, une loi garantit l’emploi en ces circonstances.
L’analyse est plus simple que la synthèse. La première recourt à la technique, l’autre fait appel à l’intuition. Or les liens à resserrer encore entre l’armée et la nation ont besoin surtout de « têtes bien faites ». Les anciens combattants doivent les meubler quant au civisme. ♦