La participation, directe ou indirecte, organisée ou diffuse, des anciens combattants aux actions ou aux modalités de la défense civile — qui recouvre, au sens large, la sécurité intérieure du temps de paix en intégrant la dimension de la menace extérieure — est tellement traditionnelle et tellement multiforme qu’elle est difficile à analyser. Dans le lien permanent avec la défense, on ne doit pas éluder ce volet. Aussi, avons-nous demandé à un membre du conseil d’administration de la revue, familier de l’administration du territoire, de recueillir sur ce thème les réflexions d’un praticien de la défense civile par le moyen d’un feu libre de questions et réponses.
Un soutien discret mais apprécié de la défense civile
La revue Défense Nationale (RDN)
Le gouvernement peut-il attendre des anciens combattants une contribution particulière dans le domaine de la défense civile, et plus spécialement dans quels créneaux ?
Le praticien de la défense civile (PDC)
Assurément. Pour être discrète et en quelque sorte instinctive, cette participation des anciens combattants, soit à titre individuel, soit dans leurs organisations, est une donnée importante de la vie publique, sur le terrain.
Elle est, tout d’abord, décisive et bien connue, dans l’entretien de la mémoire collective, qui est un aspect majeur de l’esprit de défense et plus précisément, pour reprendre les termes du décret organisant la défense civile (1965), de l’esprit de résistance à toutes les formes d’agression. Chacun sait que, sans les anciens combattants, un pan essentiel des commémorations, anniversaires et cérémonies publiques qui marquent la conscience nationale, s’effondrerait.
À un niveau plus général de sensibilisation de l’opinion à des thèmes d’intérêt national et à la défense d’idéaux supérieurs, le concours des anciens combattants ne saurait être négligé par les responsables gouvernementaux ou les représentants de l’État sur le territoire. Certains de ceux-ci soulignent, par exemple, leur rôle actif dans certaines conjonctures troubles — qu’il s’agisse de terrorisme international ou d’agitation régionaliste aiguë — ou dans des situations locales marquées par des événements traumatisants de l’histoire récente : territoires occupés au lendemain de la guerre, périodes de mobilisation et de résistance, Midi de la France où vivent d’importantes communautés rapatriées d’Algérie.
RDN. Il s’agit là d’une participation essentiellement psychologique. Des formes plus concrètes, plus « opérationnelles », peuvent-elles être évoquées ?
PDC. Parfaitement. Il est bon de les mettre en lumière, car elles sont généralement ignorées du grand public.
Elles correspondent, tout d’abord, au fonctionnement, grâce à de multiples organes et institutions, de la défense non militaire, qu’elle soit économique ou, surtout, civile : désignations dans les rouages officiels de la planification de défense, de la mobilisation en cas de crise, de la protection des populations ; centres opérationnels de défense, états-majors de crise, organismes de protection civile... Il y a là une part d’héritage de la défense passive qui repose, bien évidemment, sur le volontariat.
Un autre domaine de participation, très liée aux attentes de la société civile et des collectivités locales, est celui de la vie associative concourant à la mise en œuvre de la défense civile : secourisme, Croix-Rouge, lutte contre les fléaux naturels et technologiques, sapeurs-pompiers volontaires, défense de l’environnement, action humanitaire de pointe.
Enfin, très naturellement, les anciens combattants jouent un rôle privilégié dans la mise en place de la coopération civilo-militaire par leur connaissance des milieux et des réseaux proches de l’armée : rapports avec les officiers et sous-officiers de réserve, exercices civilo-militaires, etc. Ils sont souvent choisis, à ce titre, en qualité de « conseillers de défense » par les autorités ministérielles ou préfectorales.
RDN. Votre propos appelle une question liée à la réforme, en cours, de notre défense : les anciens combattants ont-ils une mission à accomplir au regard du soutien que le pays doit à son armée ?
PDC. On doit noter que, tout comme l’appui nécessaire de l’ensemble de la société, la réflexion sur cette mission est à peine amorcée. Il suffit d’énoncer le problème, cependant, pour percevoir le profit que la redoutable entreprise engagée — la professionnalisation des armées et la modernisation de notre dispositif de défense — peut attendre d’une adhésion active, des concours du monde « ancien combattant » en tant que facteur d’intégration à la vie sociale. On citera, parmi les objectifs souhaitables, l’alimentation d’un volontariat de qualité, la réussite de la réinsertion professionnelle des militaires au terme de leur engagement, l’osmose avec des réserves renouvelées dans leur concept même, la réalisation d’indispensables « passerelles » entre l’armée et la cité, au quotidien.
RDN. À ce degré de généralité, l’apport des anciens combattants ne se confond-il pas avec l’entretien du lien armée-création ?
PDC. Nous sommes effectivement au cœur de l’esprit de défense. Cependant, l’apport peut être spécifique s’il se concentre sur un élément fondamental de la conscience collective, la solidarité entre les générations par le souvenir des épreuves et la permanence du destin national. Sous cet angle, les anciens combattants peuvent légitimement prendre leur part dans la revitalisation de l’éducation civique, justement présentée comme une condition du renouveau de la défense. ♦