Le sens de notre démarche
La revue Défense Nationale ne pouvait rester indifférente au rattachement au ministère de la Défense du secrétariat aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre, intervenu, sans tapage, lors de la mise en place du gouvernement actuel. Elle a voulu voir dans ce rattachement plus qu’une simple péripétie administrative, une simple modification de structure ministérielle.
Il peut être en effet l’expression— et c’est notre souhait — d’une réinsertion du monde ancien combattant, avec son potentiel de souvenirs mais aussi de mobilisation, dans le vaste dessein qu’implique la modernisation de notre défense, confrontée, nous le savons, à des choix décisifs.
Les articles, points de vue et documents que nous avons pris l’initiative de regrouper dans ce numéro, sous le signe des liens des anciens combattants et de la défense, d’une part tendent à illustrer la diversité des apports que les anciens soldats, individuellement ou par leurs organisations, fournissent à la société et peuvent offrir au pays, en cas de danger. Ils soulignent, d’autre part, les valeurs collectives fondamentales dont le monde ancien combattant peut assurer la transmission et l’essor : la mémoire des souffrances et des combats, la solidarité entre les hommes, à travers les générations et dans les théâtres d’opérations, l’esprit de résistance aux agressions en tout temps et en tous lieux, qu’elles soient militaires, civiles ou morales.
En ce sens, comme nous le rappelle dans son message l’ancien ministre des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, M. Jean-Jacques Beucler, c’est de la survie de l’esprit de défense, appliqué et non pas incantatoire, qu’il s’agit.
Cela dit, nous n’ignorons pas, et cela ressort tout au long de ce dossier, qu’un fond de scepticisme affecte l’entreprise. La réhabilitation de l’histoire se révèle une tâche ardue ; la renaissance de l’instruction civique, objectif proclamé, prend l’allure d’un défi, sinon d’un mythe.
Pourquoi le cacher, en effet ? Les anciens combattants, les générations du feu, comme on disait hier, faisaient partie d’un trépied, avec l’école et la conscription. Le trépied est ébranlé.
Mais la mélancolie n’est pas bonne conseillère.
Y a-t-il de la grisaille dans les esprits ? Raison supplémentaire pour lancer une réflexion fructueuse, génératrice d’un élan et d’une volonté.
La décision du secrétariat d’État aux Anciens Combattants de commémorer avec un éclat particulier l’année 1918, sous l’angle de l’histoire commune des nations combattantes et du « souvenir partagé », s’inscrit très heureusement dans cette préoccupation pédagogique de fidélité et de sauvegarde du patrimoine national.
Pour notre part, à notre modeste place, nous sommes prêts à relayer toute initiative propre à réconcilier les citoyens et l’idéal de la défense. S’agissant de l’héritage « ancien combattant », l’impératif, nous semble-t-il, est de ne céder ni au seul discours patriotique, sympathique mais vain, ni au discours « moderniste », qui le dissoudrait, du moins on peut le craindre, dans le social et dans le culturel, les deux exigences du temps. ♦