L'auteur, consultant international et professeur associé à l’École des hautes études en sciences sociales, prépare un livre sur la RMA pour le printemps 1999 (Odile Jacob). Son article reprend des éléments d’une étude réalisée pour la Délégation aux affaires stratégiques (DAS) du ministère de la Défense, et réalisée avec le Centre d’analyse sur la sécurité européenne (Case). L'auteur utilise de nombreuses expressions américaines que nous ne pouvons traduire, à notre grand regret !
La Rrévolution dans les affaires militaires (RMA) aux États-Unis : puissance de l'innovation
Depuis bientôt trois décennies, les États-Unis sont l’épicentre d’un bouleversement général d’une ampleur comparable à celle de la révolution industrielle. À la fois organisationnelle, commerciale et technologique, cette métamorphose va de pair avec une profonde redéfinition des rapports entre l’État, la société civile et la sphère économique, dont les caractéristiques sont la dérégulation et la désétatisation. Cette grande mutation, dont la triple révolution électronique, informatique et des télécommunications est le moteur, et dont le principe est la mise en réseau généralisée des formes sociales et économiques, a envahi tous les secteurs d’activité de la société américaine. Elle est entrée jusques et y compris dans le domaine militaire, provoquant ce qu’il est convenu d’appeler la « révolution dans les affaires militaires » (RMA), ou, comme Andrew Marshall, l’un de ses pères fondateurs, préfère la dénommer, la « révolution militaire naissante ».
Dans l’histoire, les révolutions militaires peuvent être définies comme des sauts qualitatifs dans l’armement, l’organisation et la doctrine opérationnelle qui, en changeant la manière de faire la guerre, créent un fossé entre la puissance qui innove et ses rivaux. Il faut distinguer les grandes révolutions économiques des progrès et innovations graduels ; il existe de même des révolutions militaires majeures et des mineures. Les premières semblent rassembler des essaims entiers d’innovations qui s’amplifient les unes les autres, alors que les mineures reposent plutôt sur une seule innovation importante. Celle qui prend son essor aux États-Unis semble bien appartenir à la première catégorie. Ces métamorphoses coïncident, qui plus est, avec la dissolution de l’empire soviétique. La situation militaire et stratégique mondiale qui en découle est radicalement neuve.
Métamorphose civile…
On peut classer les révolutions militaires d’après leur cause première : une déroute, comme celle qu’essuya en 1806 à Iéna le système militaire prussien, ce qui permit au réformateur Scharnhorst de tout réorganiser ; une défaite, comme la remise en question de l’American way of war provoquée par le fiasco vietnamien des États-Unis ; une menace grave ou mortelle, ou encore une course aux armements comme celle de la guerre froide, qui force les antagonistes à se surpasser sans relâche de peur que l’ennemi ne les déborde par quelque innovation radicale ; un vaste séisme sociopolitique, comme la Révolution française, d’où sortent la guerre et les armées révolutionnaires ; ou encore l’adoption par les armées d’innovations civiles, comme celle du chemin de fer par Moltke. Ce peut être aussi quelque combinaison de ces différentes causes.
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