L’Angola vient de traverser une longue et douloureuse période de guerre civile qui a laissé des cicatrices profondes (abordées dans la chronique « Afrique » de novembre 1997). L’avenir de cette ancienne colonie portugaise reste assombri par de nombreuses incertitudes. Pourtant, ce pays meurtri de l’Afrique australe dispose de certains atouts stratégiques et économiques qui ont toujours suscité l’intérêt des puissances étrangères. C’est ce que nous explique l'auteur dans cet article qui montre l’extraordinaire particularisme de cette nation à reconstruire.
Les fractures angolaises
Carte de l'Angola
Avant le début des années 60, l’Angola était l’une des contrées les plus prospères du continent africain. La colonie lusophone disposait d’une économie très diversifiée qui s’appuyait notamment sur un riche potentiel agricole (manioc, maïs, millet, sorgho, agrumes…), un réseau dense de moyennes entreprises industrielles et des produits d’exportation particulièrement rentables (le pays était le 4e producteur mondial de café et de diamants). Par ailleurs, les recherches pétrolières promettaient des ressources abondantes. En outre, les Portugais avaient favorisé la création d’une élite locale (les assimilados) par le biais d’un programme d’éducation bien adapté aux réalités africaines. Ce système n’avait toutefois profité qu’aux populations de la capitale et de la bande côtière. Les dissensions politiques et les affrontements armés, stimulés par les ingérences étrangères, en particulier celles du bloc communiste à partir du milieu des années 70, ont par la suite complètement ruiné ce territoire du sous-continent austral. Après le retrait des forces cubaines et des conseillers des États de l’Europe de l’Est, des accords de cessez-le-feu ont été signés à plusieurs reprises au début des années 90. Malgré cette évolution encourageante, de nombreuses fractures persistent. Elles rendent difficile la pacification totale de ce pays sinistré, qui reste pourtant l’objet de vastes enjeux géopolitiques et pétroliers.
Les cicatrices de la guerre froide
Le cycle infernal de l’Angola débute en 1961 lorsque les mouvements nationalistes se révoltent contre la présence portugaise. La lutte pour la décolonisation ne prend fin qu’après la « révolution des œillets » en avril 1974. Les nouveaux dirigeants de Lisbonne accordent alors l’indépendance à l’Angola le 11 novembre 1975. Quelques mois auparavant (15 janvier), les principales organisations de libération du pays (MPLA, Unita, FNLA) (1) et des représentants du nouveau régime portugais avaient signé les accords d’Alvor qui prévoyaient un partage du pouvoir à Luanda entre les différents partis angolais. Le gouvernement d’union nationale vole en éclats dès sa mise en place. Les antagonismes politiques aboutissent rapidement à la guerre civile. Le MPLA conquiert le pouvoir grâce à l’intervention massive d’un contingent cubain qui, appuyé par une importante logistique soviétique, empêche les troupes zaïroises et sud-africaines, soutenant respectivement le FNLA et l’Unita, de s’emparer de Luanda.
Le nouvel État angolais naît ainsi dans un bain de sang et dans l’anarchie. Le chaos est aggravé par le départ précipité des Portugais qui détenaient tous les leviers économiques. L’engagement de l’URSS et de Cuba aux côtés du MPLA provoque l’ingérence des États-Unis qui fourniront une aide importante en matériels et en conseillers aux maquisards de l’Unita. La guerre civile devient ainsi indirectement un champ d’affrontement Est-Ouest. La très forte pénétration cubaine (il y eut jusqu’à 50 000 militaires et 6 000 civils cubains en Angola) modifie le paysage social de l’ancienne colonie lusophone en raison notamment du très fort engagement des Latino-Américains dans l’enseignement. Des milliers de jeunes Angolais sont formés dans le pays de Fidel Castro aux côtés d’autres écoliers en provenance de nations marxistes du Tiers Monde. Entre 1976 et la fin des années 80, ces enfants ont ainsi rejoint les écoles cubaines dès l’âge de six ans pour y suivre, jusqu’à leur majorité, une scolarité fortement imprégnée d’une idéologie communiste. Une partie importante de la jeunesse angolaise a donc été façonnée selon des modes de pensée rigides et totalement contraires aux valeurs de base africaines. Cette génération « d’Angolais perturbés » se trouve aujourd’hui sur le marché du travail de leur pays d’origine. Ce trouble des esprits a été amplifié par les authentiques « lavages de cerveaux » pratiqués par les « conseillers » de l’Union soviétique, de la RDA et de la Corée du Nord sur la jeunesse angolaise. De leur côté, les militaires et les responsables économiques de l’ancienne colonie portugaise, formés à l’école de Moscou, ont assimilé des formes de raisonnement et des lignes de conduite qui laissent peu de place à l’initiative privée. En revanche, les régions rurales, qui sont restées sous l’influence de l’Unita, ont dû intégrer des comportements totalement opposés.
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