Les termes de la loi sur les nouvelles réserves ont été évoqués dans nos chroniques « Défense en France » et « Marine ». Dans l'article qui suit, le contrôleur général des armées (CR) Jean-Claude Roqueplo, ancien directeur de la fonction militaire et des relations sociales au ministère de la Défense, ancien chef du contrôle général des armées, à l'époque président de l'Association amicale de l'EMSST, expose ses réflexions sur cette nouvelle organisation mise en plus par ladite loi.
La professionnalisation des réserves
La publication de la loi portant organisation de la réserve et du service de défense (loi n° 99-894, du 22 octobre 1999 ; JO n° 247 du 23 novembre 1999) clôt la partie législative de la réforme conduisant la défense française « Vers l’armée professionnelle » (J.-C. Roqueplo : Revue Droit et Défense, n° 98/2, n° 98/3, n° 99/1). Si la réforme imposait, en tout état de cause, une organisation nouvelle du système des réserves, le gouvernement s’est en outre assigné un objectif politique, plus ambitieux et plus complexe que celui d’une simple réorganisation technique : « Assurer la mise en place d’une armée professionnelle ouverte sur la société civile » (intervention du Premier ministre à l’IHEDN le 3 septembre 1998). Réorganisation technique et norme politique sont donc deux aspects distincts à prendre en considération pour analyser la portée et les conséquences de ce « troisième pilier législatif de la professionnalisation ».
La réorganisation technique
La réserve, « composante indispensable de notre armée professionnelle » et « partie intégrante de la vaste réforme de notre appareil de défense » (exposé des motifs de la loi), ne repose plus sur la conscription obligatoire et universelle en raison de la disparition du service national actif à l’issue de la période transitoire. Le choix est fait d’une armée à format plus réduit, aux effectifs – de carrière, engagés ou réservistes – entièrement recrutés par volontariat. Ce choix suppose le développement d’un « esprit d’engagement » (« Les enjeux de la réforme des réserves », Défense Actu n° 36, 13 novembre 1999) dans toutes les couches de la population. En effet, comme nous l’avons souligné dans nos précédentes études, le succès de la « refondation » dépend non seulement du recrutement quantitatif dans les différentes catégories d’emplois, militaires et civils, permanents ou temporaires, mais d’abord de la qualité et de la motivation des personnes ainsi orientées vers les missions de notre défense.
La conscription permettait à l’armée d’appeler au service des jeunes gens possédant les formations et les qualifications les plus diverses et de tous les niveaux. En est-il de même avec le volontariat ? Le tempérament français, encore que cocardier, n’est pas porté vers le « militarisme ». Dans le tome II de la monumentale Histoire militaire de la France, publiée sous la direction du professeur Corvisier, le général Jean Delmas montre que le Français se plie d’autant mieux aux contraintes du service des armes que cette obligation est égale pour tous. En outre il est incontestable que, par le biais du service militaire actif obligatoire, les armées disposaient, non seulement directement de personnel qualifié et formé, mais aussi indirectement de filières incitatrices à la prolongation volontaire du service des armes – officiers de réserve en situation d’activité (Orsa), volontaires service long (VSL)… – ou au maintien d’un lien particulier avec l’armée : officiers de réserve du service d’état-major (Orsem)… Il s’agit donc non seulement d’établir de nouveaux modes de recrutement aptes à fournir à l’armée d’active le personnel de complément opérationnel, temporaire, indispensable, mais aussi de recréer et d’entretenir le « vivier » dans lequel le recrutement des professionnels se fera plus aisément et au niveau de compétence voulu. Les bonnes relations entre ce vivier civil et la profession (ou le volontariat) militaire passent par l’amélioration (clarté et débouchés) et la simplification (facilité) des filières d’entrée et de formation des jeunes gens dans les emplois des armées.
Il reste 82 % de l'article à lire
Plan de l'article