L'auteur, chef d'escadron et stagiaire au Collège interarmées de défense, nous présente ses réflexions à propose du texte d'un de ses camarades de promotion que nous avions publié dans notre numéro d'août-septembre 1999 : « Le centurion et l'écho des prétoires ». Cet article tombe à point nommé, alors que nous reparlons du nucléaire militaire et du droit international.
Droit international et dissuasion nucléaire
L’apparition d’une justice pénale internationale et, notamment, le 18 juillet 1998, lors de la conférence de Rome, la création de la Cour pénale internationale (CPI), ont suscité, en contrepoint des louanges médiatiques de rigueur, l’inquiétude de commentateurs éclairés sur la validité de la doctrine française de dissuasion. Certains estiment que cette nouvelle juridiction affaiblit encore davantage la légitimité de la position de la France, déjà fragilisée par les avancées récentes du droit international et l’évolution de la situation géostratégique. L’article 5 de son statut dispose en effet que relèveront de sa compétence en tant que crimes de guerre « les attaques délibérées contre la population civile en général ou contre des civils ne participant pas directement aux hostilités », ce qui interdit de jure les frappes anticités. C’est pourquoi quelques-uns réclament un aggiornamento de la doctrine française pour préserver la crédibilité de sa dissuasion et répondre à ce défi juridico-stratégique d’un nouveau type.
La pertinence d’une telle révision doit pourtant être évaluée à l’aune de considérations singulièrement plus pragmatiques que les principes idéalistes d’un droit international encore balbutiant, car la dissuasion s’inscrit au cœur d’une problématique toujours dramatiquement actuelle : les rapports de force entre États.
Le discours contemporain sur la légalité de la dissuasion doit être replacé dans la longue histoire occidentale du droit de la guerre : il souffre des mêmes limites et des mêmes contradictions. Il doit aussi être analysé de façon critique par les intérêts, plus ou moins avouables, des acteurs internationaux. Enfin, il reste à s’interroger sur la validité même des prétentions juridiques actuelles de contrôler par le droit une arme qui a modifié en profondeur, et irrémédiablement, la stratégie traditionnelle. Dans ces conditions, même s’il faut reconnaître que la marge de liberté se réduit, toute révision officielle de la doctrine de la dissuasion paraît inopportune, voire dangereuse.
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