Avec la proposition, faite lors de la conférence « Euromed » tenue à Barcelone en novembre 1995, de développer un partenariat euro-méditerranéen, et devant les pressions politiques qu'elle entraine de la part des pays européens, ceux du Sud et de l'Est de la Méditerranée sont de plus en plus pris dans une contradiction dont ils cherchent à sortir en refusant de se laisser imposer des choix qui ne seraient pas pleinement les leurs. Circonspects quant aux avantages que leur font miroiter les pays européens, ils sont de plus en plus nombreux à rechercher une troisième voie qui les libérerait des risques qu'ils voient poindre derrière les choix opérés en Europe et que cette dernière les incite à adopter ; mais existe-t-il une chance de développer une voie origine dont ils puissent attendre à la fois la stabilité et la prospérité ? Telle est la question qui se pose notamment à la Tunisie. L'article qui suis, rédigé à l'occasion d'un colloque organisé à Tunis à l'automne 1999, tente de définir ce que peut être une troisième voie.
La « troisième voie »
« À quoi sert-il à l’homme de gagner l’univers s’il en vient à perdre son âme ? »
La chute du communisme a marqué le triomphe du capitalisme et entraîné chez ceux qui puisaient leurs convictions dans le socialisme une gêne évidente, celle de ne plus avoir sur leur gauche une idéologie qui, par ses outrances, leur procurait une sorte de crédibilité et de respectabilité, mais aussi celle de ne pas oser s’avouer la fascination qu’exerce désormais sur eux le succès du libéralisme triomphant, avec son insolente vigueur. Enfermé dans une contradiction dont il ne parvient pas à s’extraire, le socialisme traditionnel, soit s’accroche désespérément à des idéaux souvent anachroniques auxquels il ne parvient plus à donner une apparence même de justification, soit succombe à la tentation du libéralisme, tout en le décriant vigoureusement pour ne pas paraître se renier. À l’autre extrémité de l’échiquier politique, la situation n’est guère plus attirante ; les plus ardents partisans du capitalisme feignent de maîtriser un libéralisme qui, chaque jour plus exigeant, plus impitoyable, leur échappe de plus en plus.
Faute d’avoir le courage de reconnaître leur impuissance, et en l’absence de volonté pour domestiquer un système qu’ils ont imprudemment laissé prospérer hors de toutes règles, ils sont les prisonniers d’une fuite en avant éperdue ; ils ne tarissent pas d’éloges pour en vanter les mérites, arguant des succès qu’à l’évidence le libéralisme ne cesse de remporter dans certains pays privilégiés, pour tenter de convaincre les autres de l’adopter, alors que ces derniers risquent de n’en tirer pour eux-mêmes aucun bénéfice et de ne servir qu’à pérenniser un système qui les asservira plus sûrement encore avant de les condamner irrémédiablement. Pour ces pays, sommés depuis des décennies de choisir entre capitalisme et socialisme, l’image qu’ils avaient pu se faire de leurs avantages et inconvénients respectifs tend à se brouiller ; aucune de ces deux voies ne leur paraît capable d’assurer leur légitime aspiration d’accéder un jour à la prospérité et à la sécurité. Tant d’excès ou d’anachronismes les retiennent de les adopter et les incitent à rechercher leur propre voie : une « troisième voie ».
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