Audace et raison : vers la consolidation d'une armée de terre réformée
Si nous considérons l’histoire de notre armée dans le « temps long » cher à Fernand Braudel, que voyons-nous ? Nous voyons Louvois organiser l’armée moderne. Celle-ci traversera la Révolution et l’Empire, non sans s’enrichir des apports de Guibert et de l’étincelante pratique de Napoléon. En liquidant la Grande Armée, la Restauration ne conserve que les forces qui permettront à la France de conduire des campagnes limitées à la périphérie d’une Europe stabilisée par le Congrès de Vienne ; mais si l’armée conserve sa vigueur dans ces violentes échauffourées, le commandement ne se prépare pas aux grandes épreuves nationales.
La catastrophe de 1870 sonne le réveil. La IIIe République réorganise l’armée. Elle lui donne un commandement formé, une doctrine et des plans. Elle instaure aussi le mode de recrutement propre à constituer les immenses armées qu’appellent les guerres nationales. La dissuasion n’en bouleversera ni l’emploi, ni l’organisation. Cette armée reste alors celle d’une lutte à mort, même si celle-ci n’est plus qu’une épreuve de force virtuelle. Ne préparant qu’une seule guerre, l’armée tire toujours son organisation permanente de son organisation opérationnelle. Bref, elle vit et travaille comme elle s’engagera. De Carnot à l’effondrement soviétique, il y a donc d’innombrables ajustements — parfois lourds —, mais la philosophie reste la même.
En se replaçant ainsi dans la durée historique et en constatant la rareté des grandes mutations, on mesure à quel point la période que traverse l’armée de terre constitue une de ces fortes accélérations que l’histoire n’imprime qu’exceptionnellement à la vie des grandes institutions de l’État. De fait, l’armée de terre s’est engagée en 1996 dans un vaste projet collectif, conduit sans discontinuité du service par une communauté humaine dont on se plaît ici ou là à brocarder le mutisme, mais à laquelle il serait tout aussi indiqué de reconnaître d’étonnantes vertus de dévouement, d’abnégation et d’efficacité ; car cette mutation ne se fait pas sans douleurs ; elle ne se fera pas davantage sans le soutien convaincu de la nation.
Il reste 92 % de l'article à lire
Plan de l'article