Responsable de l'intelligence économique pour un grand groupe français, l'auteur, qui s'était déjà exprimé dans notre revue, nous précise ci-dessous la genèse, l'organisation et les modalités de la coopération établie depuis 1994 entre le secteur privé américain et les services de renseignement des États-Unis en ce qui concerne l'information économique.
Services de renseignement et intérêts commerciaux américains
Depuis plusieurs années, la communauté américaine du renseignement a réorienté ses missions afin de soutenir plus activement les enjeux de politique économique nationaux. Cette démarche, qui s’observe dans d’autres pays, fait partie d’un mouvement d’ensemble né de la mutation de l’environnement géostratégique mondial.
L’évolution a été entamée en 1992 au sein de l’appareil de renseignement américain à l’initiative du directeur de la CIA Robert Gates, qui constatait à l’époque « l’importance fondamentale et croissante des questions économiques internationales pour le renseignement » (1), et indiquera plus tard que « 40 % des nouveaux besoins sont d’ordre économique » au sein de l’agence américaine. L’intelligence économique sera présentée par son successeur James Woolsey comme « le sujet le plus brûlant de la politique de renseignement » en 1993 (2).
Concédant sans doute que l’appréciation la plus pertinente des enjeux économiques procédait des entreprises, l’Administration Clinton a amplifié ce mouvement et s’est attachée à développer depuis 1994 des modalités de coopération et de rapprochement avec les entreprises nationales sur la base du partenariat. En 1995, Bill Clinton fixera comme priorité « le recueil et l’analyse du renseignement relatif au développement économique » estimant que « le rôle du gouvernement est celui d’un partenaire à l’égard du secteur privé agissant comme un défenseur des intérêts économiques nationaux » (3). Répondant à cette orientation, le directeur de la CIA indiquera en juillet 1994 devant le Center for Strategic and International Studies de Washington que « plusieurs milliards de dollars de contrats ont été préservés pour l’industrie américaine par la collecte de ce type de renseignement » (4).
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