La situation mondiale actuelle se caractérise malheureusement par toute une série de conflits, soit successifs, soit simultanés. Après avoir décrit, en octobre dernier, cette poudrière que sont les Balkans, l'auteur nous présente la rivalité russo-tchétchène, évoque les deux guerres qui s'y sont déroulées depuis cinq ans, et lance un message pour la réconciliation des deux peuples.
Regards sur la Tchétchénie en guerre : le champ de bataille du Nord-Caucase
Le 23 novembre 1990, rassemblée autour du major général des forces aériennes russes Alexandre Djokhar Doudaev, la petite république nord-caucasienne de Tchétchénie entre en rébellion contre le pouvoir central de la Fédération. Coupée de la Russie, elle se sépare du peuple ingouche avec lequel, de longue date, au sein de la république binationale de Tchétchénie-Ingouchie, elle partageait le même destin (1). Les Tchétchènes sont rapidement confrontés à de rudes épreuves : un blocus de trois ans qui provoque l’asphyxie de l’économie, la guerre civile entre les différents chefs de l’opposition nationaliste et, enfin, l’intervention des troupes fédérales russes. La guerre est de retour sur le flanc Nord du Caucase.
Deux siècles d’affrontement
Depuis le dernier quart du XVIIIe siècle, les relations entre la Tchétchénie et la Russie sont conflictuelles. La première révolte tchétchène date de 1785. Un paysan, connu dans l’histoire sous le nom de cheik Mansour, fait appel à la lutte religieuse pour rassembler les peuples montagnards contre l’expansionnisme colonial russe. Il inflige à l’envahisseur de sévères défaites, mais capturé et incarcéré à vie, il meurt dans une forteresse. Il est le premier héros de la cause tchétchène. Au XIXe siècle, après avoir battu la Grande Armée de Napoléon, le tsar, soucieux d’étendre son Empire dans le Sud, regarde à nouveau vers le Caucase. Sous le commandement du général Ermolov, les troupes du corps d’armée autonome du Caucase envahissent la Tchétchénie. Une interminable guerre commence en 1816, elle va se poursuivre sans trêve jusqu’en 1864. Durant un demi-siècle, les affrontements entre les tribus tchétchènes réfugiées dans les montagnes et les troupes russes qui tiennent la plaine sont permanents. Le général Ermolov mène une guerre de terreur contre les populations, sa cruauté ne fait qu’exacerber leur révolte et les pousse dans les bras de l’imam Chamil qui déclare la guerre sainte. Pendant vingt-cinq ans, de 1834 à 1859, il dirige la résistance, créant des troupes régulières, organisant des ateliers d’armes blanches et à feu et des poudreries, aménageant des routes pour l’artillerie. Vaincu, il est fait prisonnier et finit ses jours à Médine. À la fin de la guerre de Crimée, la Russie concentre au Caucase 300 000 hommes. Les Tchétchènes sont vaincus, certains poursuivent la lutte quelques années encore, d’autres choisissent l’exil. Le pays passe sous contrôle russe.
Le XXe siècle est dominé par l’épisode douloureux des grandes déportations de 1944 : plus de 400 000 Tchétchènes et Ingouches sont exilés au Kazakhstan et en Asie centrale par Staline pour avoir collaboré avec la Wehrmacht. Un grand nombre périssent au cours des transferts. Il faudra attendre Khrouchtchev et la déstalinisation (1956) pour qu’ils soient réhabilités et autorisés à revenir sur leurs terres ancestrales du Nord-Caucase. Contraints d’abandonner leurs villages dans la montagne, sans droit sur leurs biens confisqués, la plupart se réinstallent dans le piémont et la plaine, à Groznyï principalement (2). En 1990, profitant de l’effondrement de l’Union soviétique, suivant l’exemple d’autres républiques caucasiennes, le peuple tchétchène se lance dans l’aventure d’une indépendance sauvage qui va le conduire à une nouvelle épreuve.
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