Présentation
La Fondation pour la recherche stratégique et le Comité d’études de défense nationale sont heureux de vous accueillir à l’occasion de cette journée d’étude dont le thème est le nucléaire militaire.
Pourquoi ce thème en l’an 2000 ? Nous savons tous que l’armement nucléaire a constitué l’atout politique principal des deux superpuissances – États-Unis et Union soviétique – durant la guerre froide entre 1945 et 1990. L’équilibre de la terreur à base d’arsenaux nucléaires gigantesques – plusieurs dizaines de milliers d’armes – constituait la base de la géopolitique de cette période. En constituant leurs propres forces nucléaires, la Grande-Bretagne, la France et la Chine vinrent à leur tour perturber, en partie, ce terrible face-à-face.
Cependant, depuis l’effondrement de l’empire soviétique, l’armement nucléaire semblait être passé au second plan, la menace d’affrontement majeur entre les États-Unis et la Fédération de Russie ayant pratiquement disparu.
Or, cet armement existe toujours : réduit certes quantitativement, mais considérablement amélioré qualitativement. Plusieurs facteurs récents permettent de penser que s’il n’est plus sous les feux de l’actualité médiatique, il n’en demeure pas moins l’objet principal des préoccupations et de « gesticulations » des grandes puissances en période de crise. J’ai retenu quatre de ces facteurs récents.
Le refus du Sénat américain de ratifier le traité d’interdiction des essais nucléaires (CTBT). Cette décision enlève une partie de la crédibilité de ce traité.
Les deux séries d’essais nucléaires de l’Inde et du Pakistan – puissances non négligeables au regard des grands États qui compteront dans les décennies futures –, essais qui n’ont pas soulevé un énorme tollé de la communauté internationale, bien qu’ils eussent bafoué le sacro-saint TNP (traité de non-prolifération).
Les « gesticulations » de Bill Clinton pendant la guerre du Kosovo, et de Boris Eltsine pendant la « reconquête » de la Tchétchénie, le premier lançant ses bombardiers stratégiques B 52 et B 2 (à vocation nucléaire, rappelons-le), mais avec bien sûr des armements classiques, sur des objectifs en Serbie en toute indépendance des opérations menées par l’Otan, tandis que le second n’hésitait pas à rappeler à haute et intelligible voix que si l’Occident ne le laissait pas régler seul l’affaire de la Tchétchénie, celui-ci devait se souvenir que la Russie disposait d’un arsenal nucléaire encore imposant : menace dissuasive comme aux plus beaux jours de la guerre froide… et couronnée de succès, comme on a pu le voir.
Au 1er juillet 2000, la France prendra la présidence de l’Union européenne. Le président Chirac tient à faire avancer, à cette occasion, le chantier sur l’Identité européenne de défense et de sécurité. S’il paraît prématuré, aujourd’hui encore, d’évoquer le rôle que les composantes nucléaires française et britannique pourraient jouer dans ces nouvelles doctrines, nous ne pourrons indéfiniment éluder les grandes questions que ces forces poseront un jour à l’Union européenne : dissuasion concertée, ou partagée, ou préservée… Je ne sais pas aujourd’hui répondre à cette interrogation.
Notre thème n’est donc pas « ringard », vous en conviendrez. Notre journée comprendra deux parties. La matinée sera consacrée à l’état des lieux, avec l’amiral Marcel Duval, grand expert dans les armements nucléaires ; M. Alain Delpuech, remplaçant M. Jacques Bouchard, directeur des armes nucléaires à la DAM ; le général Jean Menu et M. Christian Maire, spécialistes des missiles stratégiques à Aerospatiale-Matra ; M. Arthur de Montalembert, directeur à la Cogema. L’après-midi fera de la prospective sur les évolutions de cet armement ; elle sera dirigée par l’ingénieur général de l’armement Paul-Ivan de Saint Germain, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique.
Sans plus tarder, je passe la parole à l’amiral Duval qui va nous présenter les arsenaux atomiques actuels des cinq puissances nucléaires reconnues et ceux – moins connus – des autres puissances nucléaires. ♦