Les auteurs reproduisent ici les notes qui leur ont servi de base pour leurs interventions de lors notre journée d'étude du 25 mai 1977. Elles seront d'une moindre portée que le libellé du titre de l'exposé ne pouvait le laisser supposer. Plutôt que de tenter un survol systématique du sujet, on proposera en effet quelques réflexions qui se situeront à l'articulation de la journée d'étude : d'abord on suggérera une approche du concept d'opinion publique en matière de défense, puis on tentera de la confronter à quelques résultats de travaux récents portant sur le système militaire français lui-même. Ces réflexions seront articulées en deux temps : nous nous interrogerons dans un premier temps – et ceci sur un plan très général – sur le concept d'opinion publique et sur les rapports théoriques qu'il entretient avec le sujet-défense. Nous chercherons plus brièvement ensuite à définir des procédés de mesure de l'opinion publique de défense, procédés alternatifs ou complémentaires de la technique du sondage d'opinion.
Notes à propos de l'opinion publique et de la défense
Qu’entend-on d’abord, généralement, par « opinion publique » ? Le concept peut recouvrir un domaine très vaste, mais il n’est pas nécessairement vague. L’opinion publique, en effet, est l’opinion de tous les citoyens sur les sujets d’intérêt public ou sur les sujets d’intérêt général. Et cette définition n’est pas non plus nécessairement tautologique, car il est possible de délimiter une liste des sujets d’intérêt général ou public — même si c’est une liste quelque peu extensible. Et surtout, le fait qu’il existe un instrument privilégié de mesure de l’opinion publique en rend la définition théorique moins importante que la définition opérationnelle : il s’agit du sondage d’opinion publique. L’opinion publique est alors simplement ce qui est mesuré dans ces sondages. Ou mieux, c’est ce qui, dans l’esprit du public, détermine la distribution observée des choix effectués parmi les options proposées par les « sondeurs ».
Mais quelle portée théorique faut-il accorder à ce qui est mesuré ? Faut-il traiter, en particulier, toutes les réponses — et les non-réponses — de la même manière, et ceci quel que soit le sujet abordé par le sondage : popularité d’un homme politique, intentions de vote, ou encore opinions sur les perspectives ouvertes par tel ou tel traité de non-prolifération ?
On a observé, par exemple, de très fortes fluctuations dans les résultats de multiples « vagues » de sondages cherchant à mesurer l’opinion du public sur l’état du rapport des forces Est-Ouest — un rapport pourtant stable sur la moyenne période. Pour simplifier, disons qu’en juin de l’année « x » une majorité des citoyens se déclarent confiants dans la supériorité de l’arsenal du monde libre ; qu’en octobre de la même année, cette majorité s’effrite, qu’en janvier de l’année suivante la majorité est devenue minorité, puis que la tendance s’inverse. De tels phénomènes ont été fréquemment observés, même sur des sujets caractérisés par leur stabilité de fait et par leur généralité, et on les a observés en notant même parfois un rythme de fluctuations très rapide (1).
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