Conférence prononcée par le ministre de l'Intérieur à l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) le 6 mai 1980.
La sécurité publique des Français
Je mesure l’honneur qui m’est fait de m’adresser ce matin à un auditoire aussi choisi que le vôtre, et je vous remercie d’avoir donné comme thème à notre débat la sécurité des Français. Vous auriez pu en retenir très naturellement un autre, tant est riche en attributions le ministère dont j’ai la charge, mais il est vrai que si l’on se réfère aux sondages, la crainte devant les actes de violence figure parmi les principales préoccupations de nos concitoyens.
Je vous parlerai donc de cette sécurité-là, sans me donner le ridicule de traiter devant des experts de cette autre sécurité que nos forces armées ont en charge, sans évoquer non plus ce qu’il est convenu d’appeler la sécurité civile, faite de tous les dangers qu’a multiplié le progrès technique et dont le bilan est pour la collectivité beaucoup plus lourd en vies humaines et coûteux en argent que les méfaits de la criminalité. Qu’il me suffise ici de citer deux chiffres : l 800 morts chaque année par homicide et 20 000 par accidents, dont plus de 12 000 au titre des accidents de la route.
J’en viens donc au thème que vous m’avez suggéré : celui de la sécurité dite publique, c’est-à-dire en réalité du sentiment d’insécurité que ressentent trop de nos compatriotes. Je vous propose, successivement, d’en analyser les causes, d’en indiquer les formes, de décrire enfin les mesures à prendre pour en maîtriser le développement en attendant d’en contrôler les causes.
Les causes (1)
La sécurité est devenue un problème politique majeur dans la mesure où la montée de la violence a pour origine un fait de société.
La sécurité est un tout.
Quand Montesquieu écrivait : « la liberté politique est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté », je suis sûr qu’il se faisait de la sûreté une idée plus large.
Si le ministre de l’Intérieur se trouve en assumer la responsabilité essentielle, il l’assume en quelque sorte en aval, et plusieurs de ses collègues du gouvernement, consciemment ou inconsciemment, la partagent avec lui… Mieux, l’ensemble des Français.
Depuis un quart de siècle s’est peu à peu créé un environnement sociologique nouveau.
Au sein de la famille, trop de parents ont tendance à se décharger – le développement du travail féminin, qui n’est pas en soi une mauvaise chose, aidant – sur la télévision ou sur les maîtres du soin d’assumer ce qui leur revient en propre dans l’éducation de leurs enfants.
Trop d’enseignants ne font plus à l’instruction civique la place que leur faisait l’école de Jules Ferry, alors que cependant elle serait, aujourd’hui plus qu’hier, nécessaire.
Une urbanisation à base de gigantisme et d’anonymat, la concentration dans des grandes villes, que notre peuple profondément terrien n’a jamais assimilée, favorisent chez les uns la désespérance, chez d’autres les impulsions agressives, en même temps qu’elles aident, en les fondant dans une masse, à la dissimulation des coupables ou des armes.
La société de consommation est une société de frustration et d’envie qui incite à s’approprier par la force ce qu’on ne peut acquérir par la capacité.
L’effacement de toute transcendance au profit des valeurs marchandes provoque l’affadissement du sens des responsabilités, l’ébranlement des valeurs traditionnelles, un égoïsme qui, lié dans tous les pays évolués à l’amélioration du niveau de vie, oblitère l’assistance aux personnes en danger, et jusqu’aux témoignages !!
Les difficultés économiques que connaît le monde, aggravées en France par une pyramide des âges qui amène chaque année sur le marché du travail 250 000 jeunes de plus que les aînés qui le quittent pour prendre leur retraite, condamnent trop souvent à une oisiveté malsaine une partie de la jeunesse.
Les moyens de communication modernes répercutent sur l’instant d’un bout à l’autre du monde les manifestations d’une violence qui a valeur de tentation chez les uns, et condamne les autres au « stress » ou au fatalisme. Quand les brigands du XVIIIe siècle ou les anarchistes du XIXe étaient l’objet d’une réprobation générale, toute une infrastructure d’intellectuels dévoyés – au sens originel du terme – s’ingénie aujourd’hui à chercher des justifications à la violence au point que, comme l’écrivait déjà Albert Camus : « le crime se pare des dépouilles de l’innocence tandis que, par un curieux renversement propre à notre temps, c’est l’innocence qui est sommée de fournir des explications ».
Les formes
La part ainsi faite à l’analyse des causes, le moment est venu d’en décrire les formes principales.
La plus redoutable est le terrorisme. La vague de terrorisme que nous voyons déferler sur le monde ne constitue pas un phénomène nouveau. Il remonte à plusieurs siècles. Vaillant, la bande à Bonnot ont donné de la copie à la presse et de la tablature à la police à la fin du siècle.
Il y a toutefois beaucoup de différence entre le terrorisme d’aujourd’hui et celui d’hier. Les deux différences essentielles sont les suivantes : le terrorisme bénéficie aujourd’hui d’une logistique intellectuelle, celle de philosophes de la violence, qui n’existait pas au XIXe siècle. Par ailleurs les terroristes d’autrefois étaient sélectifs ; Alexandre de Yougoslavie n’aurait pas été tué si sa femme et ses enfants avaient voyagé avec lui… Aujourd’hui, le terrorisme est aveugle : on dépose une bombe dans un supermarché sans se soucier de savoir qui sera tué.
Il existe plusieurs types de terrorisme :
– le terrorisme international dont l’illustration la plus classique est le détournement d’avion ;
– le terrorisme autonomiste ou « nationaliste » ou « indépendantiste » dont l’Irlande du Nord, les Palestiniens, les Basques, constituent la meilleure illustration ;
– enfin, le terrorisme subversif qui vise à déstabiliser un type de société ; la fraction Armée Rouge, la bande à Baader, et les Brigades Rouges en fournissent le meilleur exemple.
Ces trois types de terrorisme ont un trait commun : ils se développent seulement dans les États démocratiques. Ailleurs, c’est-à-dire là où les méthodes des États totalitaires pourraient le justifier, ils n’existent pas. En vérité, les États de droit le traitent avec toutes les garanties que la loi donne aux citoyens honnêtes, et c’est pour cela que ses auteurs mènent la vie dure aux institutions de liberté qu’ils jugent vraisemblablement trop libérales ! Au suffrage universel, ils préfèrent comme moyens d’expression le plastic ou le cocktail molotov.
Les terroristes jugent qu’ils sont seuls à détenir la vérité et témoignent, au nom du peuple, d’un souverain mépris pour le peuple.
Ils entendent imposer la volonté d’un petit nombre à l’immense majorité de ceux qui s’appliquent, par la voie du progrès, à rendre plus justes nos lois et plus étendues nos libertés.
Le terrorisme a besoin de publicité. Il en a toujours eu besoin dans le passé, mais il trouve aujourd’hui dans un appareil d’information qui cultive trop souvent le sensationnel et l’instantané, un secours qui le comble au-delà de toutes ses espérances : ce n’est pas là une accusation, c’est une constatation.
Que les terroristes soient peu nombreux, qu’importe, dès lors que le retentissement de leurs actes confère à leurs initiatives un effet sidérant, qui est le premier objectif recherché ! Ils trouvent alors, dans une population apeurée, un complice objectif qui trop souvent laissera faire la police ou la gendarmerie, sans leur apporter le concours précieux de son témoignage et de sa vigilance.
Le bilan du terrorisme est, malgré tout jusqu’ici, contrairement à ce que l’on pourrait croire, négatif. La démocratie ayant été détruite en Uruguay, c’est une dictature militaire de droite qui lui a succédé. Les Cypriotes ont fini par obtenir l’indépendance de l’île, mais le conflit entre les communautés grecque et turque a abouti à un désastre national : la guerre civile et l’intervention turque. Le Japon, l’Allemagne ont tenu ; l’Italie est en train de remporter des succès non négligeables dans sa lutte contre les Brigades Rouges. La Grande-Bretagne, hier soir, dans un cas spécifique, a agi comme elle devait le faire, quoiqu’on puisse penser du comportement du gouvernement iranien qui a érigé pour la première fois dans l’histoire moderne la prise d’otages en institution d’État.
Les groupes terroristes ne peuvent vraiment s’implanter dans les États policiers que constituent les régimes autoritaires, qu’il s’agisse de pays communistes ou de dictatures militaires. Le rôle des pouvoirs publics dans les démocraties est plus délicat… Mais la règle d’or doit être de ne jamais céder au chantage.
Qu’il s’agisse de détournement d’avions ou d’enlèvement d’otages, la France pour sa part ne s’est pas départie de cette ligne de conduite et le gouvernement italien non plus, au moment le plus crucial : celui de l’enlèvement d’Aldo Moro, suivi de la retraite discrète, digne et momentanée de mon ami Cossiga, alors ministre de l’Intérieur, et aujourd’hui Premier ministre.
Après le terrorisme, nous assistons au développement des vols et des agressions à main armée.
Ce n’est pas un phénomène propre à la France. Notre pays est même relativement plus épargné que d’autres à cet égard puisque, si l’on en croit les statistiques établies par Interpol, le taux de criminalité, c’est-à-dire le nombre des faits délictueux et criminels pour une population de mille habitants est inférieur en France à ce qu’il est aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en République Fédérale d’Allemagne et plus encore au Danemark ou en Suède.
Ce n’est pas non plus un phénomène nouveau. Sans remonter à la Bible qui montre la violence de Cain éclater au sortir du paradis perdu, toute notre longue histoire est ponctuée d’événements sanglants dans lesquels se déchaîne la violence de l’homme. Des mœurs sauvages, cruelles, des rois et reines mérovingiens à la Commune, en passant par la Saint-Barthélémy et la Terreur, les références sont foison.
Mais, puisque nous parlons de criminalité, une chose m’a toujours frappé : les statistiques n’existaient ni dans l’Antiquité ni au Moyen Âge, et pourtant l’on a le sentiment que la criminalité fut toujours importante si l’on en juge par l’arsenal impressionnant des lois, des règlements, des codes qui, de tout temps, s’efforcèrent de la cerner et de la réprimer. Il est révélateur, ce rapport du Chevalier du Guet écrivant à ses chefs : « depuis quelques jours j’ai reçu des plaintes des bourgeois auxquels des filous avaient volé le soir, dans les rues, leurs chapeaux et leurs perruques. Certains ont été blessés de coups d’estramaçon sur la tête… Comme ces sortes de vols accompagnés de violence deviennent fort fréquents et qu’on craint de marcher à présent dans les rues en sûreté après une certaine heure, je crois qu’il sera bon d’en faire exemple pour y apporter quelque ordre ».
N’est-ce pas Boileau qui disait de notre Paris de 1660 « Le bois le plus funeste est, auprès de Paris, un lieu de sûreté » ? Et le XIXe siècle ne nous a-t-il pas laissé des témoignages riches, précis, colorés de la criminalité d’alors, à travers Balzac, Eugène Sue ou Victor Hugo ?
Toutefois, la criminalité revêt aujourd’hui des formes nouvelles.
Nouvelles parce que les hold-up et vols à main armée progressent tandis que les crimes de sang stagnent ou reculent.
Nouvelles, parce qu’elles sont concentrées dans quelques secteurs à forte dominante urbaine : dix départements où se regroupent 28 % de la population, subissent 54 % de la criminalité et 68 % de ce qu’il est convenu d’appeler la grande criminalité.
Nouvelles, par l’origine sociale souvent privilégiée des criminels : hier le gros gibier du milieu sentait fort dans certains fourrés, et relevait de l’action des chiens d’arrêt. Aujourd’hui, il y a beaucoup de gibiers à plumes ou à poils qui relèvent de l’action des rabatteurs.
Nouvelles, par le recours à tous les moyens techniques que met le progrès au service de la criminalité.
Nouvelles, par la brutalité inouïe qui caractérise certaines actions.
Nouvelles, du fait de la part de plus en plus grande qu’y prennent les femmes, et les enfants hélas (4 écoliers de 14 à 15 ans ont tué un octogénaire à Lille en avril).
Nouvelles, par la subtilité ou la nocivité des formes de délinquance qui se développent, telle la délinquance financière ou le trafic de la drogue.
Après le terrorisme… Après les agressions à main armée, il faut encore noter le développement des vols à la roulotte, des vols à la tire, qui nous a conduits à créer une compagnie spéciale du métropolitain, et des cambriolages, auxquels la multiplication des résidences secondaires n’est pas étrangère : sait-on qu’il y a aujourd’hui, compte tenu des populations respectives des deux pays, plus de résidences secondaires en France qu’aux États-Unis, ce qui entraîne qu’alternativement la résidence principale ou la résidence secondaire se trouve vide ?
Les mesures à prendre
Même si – et c’est un fait – le sentiment d’insécurité qui se développe est sans rapport avec les statistiques les plus fiables et les plus élaborées, il revient aux fonctionnaires de police et de gendarmerie de tout mettre en œuvre pour lutter contre les formes les plus diverses, les plus nouvelles et les plus lâches de la criminalité et de la délinquance.
S’agissant de la police dont j’ai – sans aucun complexe, soyez en certains – la fierté d’être le chef, j’ai défini une politique s’articulant autour de trois idées essentielles :
– une police mieux formée ;
– une police plus présente, plus mobile et mieux adaptée aux tâches qui sont les siennes aujourd’hui ;
– enfin, une police mieux équipée.
Et d’abord une police mieux formée.
Au lendemain de 1968, force a été de procéder à des recrutements massifs dans une période de plein-emploi, et en un moment où nous n’avions pas un nombre d’écoles suffisant pour assurer une formation adéquate. Mes prédécesseurs ont heureusement pallié cette carence, et comme par ailleurs la situation de l’emploi s’est profondément modifiée, le principal problème est aujourd’hui de choisir, parmi les très nombreux candidats, ceux qui, après un test dont les éléments ont été mûrement étudiés, sont motivés par le goût du métier de policier plutôt que par celui, si légitime soit-il, de trouver du travail.
La formation a été allongée de 6 à 9 mois pour les gardiens, et de 11 à 16 mois pour les inspecteurs. Elle est en voie de rénovation dans ses hommes et dans ses méthodes.
Dans ses hommes : ce ne sont pas des policiers ordinaires qui doivent assumer la direction, l’encadrement et l’enseignement des écoles, mais bien les meilleurs. Les disciplines enseignées par des professionnels, mais aussi par des hommes venus de l’extérieur doivent être élargies à la compréhension des problèmes majeurs du monde actuel. En un moment où l’évolution se fait si rapide, l’alternance entre la fonction de formateur et les responsabilités sur le terrain doit être la règle, comme doit être assurée la formation des formateurs.
Reste enfin à étendre la formation continue, avec des cycles déjà rendus obligatoires chaque fois qu’un fonctionnaire passe d’un grade à un autre.
Une police mieux formée, mais aussi plus présente et plus mobile. Le problème est moins un problème d’effectifs qu’un problème d’adaptation aux missions : au demeurant la France compte un policier ou un gendarme pour 307 habitants contre un pour 350 en République Fédérale d’Allemagne, un pour 417 en Grande-Bretagne et un pour 450 en Suède. Certes, le programme de Blois comportant le recrutement en 5 ans de 5 000 policiers et de 5 000 gendarmes est mis en œuvre, mais il est plus important encore que ceux des policiers actuellement affectés à des tâches de bureau et dont l’état de santé le permet soient affectés à des tâches de voie publique.
Il convient parallèlement de développer les unités mobiles de sécurité, qui sont au nombre de quelque 50, les unités légères de sécurité, les brigades de surveillance nocturne et plus généralement les unités spécialisées dans la lutte contre telle ou telle forme de délinquance ou de criminalité qui tend à se développer : ainsi a été créée une compagnie du métropolitain dont les résultats obtenus sont à bien des égards exemplaires, cependant qu’une nouvelle brigade de recherche et d’intervention s’installait à Nice et qu’un service régional de police judiciaire était créé en Corse.
J’ajoute que le renforcement des effectifs s’effectue dans les zones les plus criminogènes, et que l’appel aux compagnies républicaines de sécurité pour des tâches de sécurité ne cesse de s’accroître : 20 % des effectifs y ont été consacrés en 1979.
Une police mieux formée, une police plus présente, une police enfin mieux équipée. À cet égard, le gouvernement a décidé en juin 1979 un plan quadriennal d’équipement de la police. Portant sur le secteur immobilier, les véhicules, les liaisons radio, l’informatique et l’armement, il a trouvé sa première concrétisation dans le budget pour 1980.
La tâche de la police, on l’a vu, est difficile.
Face à ceux qui tentent de lui donner un complexe de culpabilité, en dénonçant par exemple la fabrication, pour les Français comme pour les étrangers, de titres infalsifiables, il lui faut gérer les contradictions de l’esprit français qui porte nos compatriotes, et très légitimement d’ailleurs, à voir assurer leur besoin de sécurité et à redouter dans le même temps l’instauration d’un État policier. Conscient que la contagion de la peur est un danger en soi, la police doit se donner pour première lâche de prévenir, et pour seconde de réprimer. Mais la police et la gendarmerie réduites à leurs seules forces ne pourraient rien si l’ensemble des citoyens ne les aidait pas matériellement et moralement.
Matériellement, en prenant individuellement des mesures élémentaires de prévention. Pourquoi tant de personnes âgées vont-elles encore percevoir leur pension en espèces au lieu de les virer sur un compte ? Pourquoi 50 % des Français ne ferment-ils pas leur porte à clé quand ils quittent leur domicile le matin ? Pourquoi tant d’automobilistes laissent-ils leurs portières ouvertes et parfois leurs clés sur le tableau de bord ? Quand les commerçants, dans les rues rendues aujourd’hui fragiles par le développement des grandes baies vitrées, redécouvriront-ils les vertus du rideau de fer de leurs parents ? Quand les voisins de palier redécouvriront-ils le tissu de solidarité élémentaire qui permet à celui qui part en vacances de demander à son vis-à-vis d’avoir « un œil » sur son appartement ?
L’ensemble des forces de police et de gendarmerie ne pourrait rien non plus si, parallèlement à leur action de prévention, l’État ne se dotait pas des moyens juridiques de la dissuasion, comme l’a fait le gouvernement en décidant de présenter au parlement un projet de loi renforçant la sécurité et accroissant par certaines mesures la protection et la liberté des personnes (après le texte sur les détentions d’explosifs).
Conclusion : la primauté du droit sur la force
Dans un monde où à peine un pays sur dix a le privilège de vivre en démocratie, c’est un devoir, pour les hommes qui ont la charge de conduire ce type de régime, de veiller à l’application rigoureuse des lois de la République et de sauvegarder les libertés dont trop de Français n’ont découvert le privilège qu’elles constituaient que pendant les années d’occupation. Comme l’écrivait déjà en 1947 Georges Bernanos : « une civilisation ne s’écroule pas comme un édifice. On dirait plus justement qu’elle se vide peu à peu de sa substance jusqu’à ce qu’il n’en reste que l’écorce ».
Est-ce à dire que la nôtre n’échappe pas à cette conclusion pessimiste ? Les démocraties – c’est leur grandeur et leur faiblesse – sont des États de droit.
Ce n’est pas pour autant qu’elles sont inévitablement impuissantes. Qu’autour d’elles se regroupent avec courage toutes celles et tous ceux qui considèrent que, de tous les régimes, elles sont les meilleurs, mais qu’il faut les méditer et tout changera !
La police dont j’ai la charge s’appliquera en tout cas à faire respecter leurs lois. Qu’on l’aide à bien remplir sa tâche difficile et périlleuse, et de nouveau l’horizon s’éclaircira. Les amateurs d’explosions et de violences comprendront qu’on ne vient pas à bout d’une population qui croit à la primauté du droit sur la force, et qui veut que la puissance soit au service de la justice. ♦
(1) Les sous-titres sont de la rédaction de la Revue.