Défense en Europe - La montée en puissance de l'état-major de l'Union européenne
Lors du Conseil européen d’Helsinki (décembre 1999), les États-membres de l’Union ont décidé de créer une capacité autonome de décision, de lancement puis de conduite d’opérations militaires de gestion de crise.
Si les forces et capacités nécessaires ont été fixées par l’objectif global (Headline Goal 50 000 à 60 000 hommes, disponibles en soixante jours pour une durée d’au moins un an), des organismes nouveaux ont dû être créés pour asseoir la capacité de décision européenne.
Le Comité politique et de sécurité (Cops) permanent est composé d’ambassadeurs. Il traite de tous les aspects de la politique étrangère et de sécurité commune. Dans le cas d’une opération de gestion de crise, il exerce, sous l’autorité du Conseil, le contrôle politique et la direction stratégique de l’opération.
Le Comité militaire (CMUE) est composé des chefs d’état-major des armées qui sont représentés par leurs délégués militaires. Il donne des avis militaires, formule des recommandations destinées au Cops et fournit des directives militaires à l’état-major.
L’État-major de l’Union européenne (EMUE) est chargé de l’alerte rapide, de l’évaluation des situations, de la planification stratégique des missions et de l’identification des forces nécessaires.
Ces organismes ont été activés au cours du premier semestre 2001. Le développement le plus spectaculaire a été celui de l’état-major dont la montée en puissance fait l’objet des paragraphes suivants.
Les premières semaines
Dès le 28 février 2000, les ministres de la Défense de l’Union réunis à Cintra approuvaient une « boîte à outils » (tool box). Ce document fournissait, d’une part, des précisions sur l’organisation des organes militaires de l’UE notamment sur les missions de l’état-major, en temps de paix comme en crise et, d’autre part, sur la planification et la conduite d’opérations militaires menées par l’UE.
Afin de disposer immédiatement d’une compétence d’état-major, le Conseil européen d’Helsinki avait aussi décidé de renforcer le secrétariat général du Conseil par des experts militaires. Détachés par les États-membres, ils ont constitué le noyau du futur état-major. Les six premiers experts sont arrivés
le 1er avril. Très concrètement, cette équipe s’est installée de façon provisoire dans les locaux du secrétariat général du Conseil en attendant de pouvoir rallier un nouveau bâtiment prévu pour regrouper les organismes du secrétariat général chargés de la PESD (Direction générale E et Unité politique, ex-Uppar (1)).
Leur première tâche a été de définir précisément les missions, l’organisation et les moyens du futur état-major. Ils devaient, en même temps, assister les groupes de travail chargés de détailler l’objectif global.
Les missions de l’EMUE
En définitive, l’état-major de l’Union européenne sera la référence militaire pour la totalité des institutions européennes. À ce titre, ses responsabilités comprennent, d’abord, l’exécution des tâches qui lui sont données par le Comité militaire ; ensuite la fourniture, toujours sous la direction du CMUE, de l’expertise militaire dont pourraient avoir besoin les différents organes de l’Union, au premier rang desquels le secrétaire général ; enfin, trois fonctions purement opérationnelles : l’alerte rapide, l’évaluation de situation et la planification stratégique.
En amont, l’EMUE devra ainsi être en mesure de diagnostiquer l’apparition de crises potentielles et de donner des évaluations de situation. Pour ce faire, il pourra s’appuyer sur les renseignements fournis par les Quinze et par l’Otan. Afin de faciliter la maîtrise de cette phase, l’Union a créé un centre de situation ou Sitcen qui sera armé en permanence par des spécialistes civils relevant de l’Unité politique et par des militaires, notamment des officiers de renseignement. Il sera renforcé si la situation l’exige et des cellules de crise pourront être mises en place en tant que de besoin.
Ensuite, sur directive du CMUE, l’état-major élaborera une série d’options militaires stratégiques possibles pour répondre à la situation d’urgence. Des expertises extérieures, fournies par les États-membres ou l’Otan, pourront être sollicitées. Après décision du Conseil, le commandant de l’opération sera désigné. Il lui reviendra de planifier et de diriger l’intervention.
Si l’EMUE est chargé de tenir à jour la liste des forces mises à disposition par les nations et d’en suivre les capacités, la génération de forces proprement dite revient au Commandant de l’opération après qu’il ait été désigné.
Pendant la crise, cependant, l’état-major, toujours sous la direction du Comité militaire, suivra en permanence tous les aspects militaires de l’opération et assistera le Comité dans son rôle de conseiller militaire du Cops.
Ainsi, les missions de l’EMUE concernent surtout la préparation et le suivi des opérations ; il n’a donc pas vocation à faire la planification opérationnelle d’une opération, ni à la commander.
L’organisation
L’état-major disposera à l’été de cent cinq officiers, dont sept généraux, de dix-sept sous-officiers et de treize secrétaires. Il devrait atteindre sa capacité opérationnelle à l’automne 2001. Depuis mai 2001, il est installé définitivement dans le nouveau bâtiment de l’avenue de Cortenbergh.
Le directeur-général de l’état-major (DGEMUE), le général de corps d’armée Rainer Schuwirth, avait été élu dès le mois de novembre 2000. Il a rejoint son poste le 1er mars 2001. Il en a été de même pour son adjoint, le général de division Graham Messervy-Whiting.
L’EMUE est organisé en cinq divisions, dirigée chacune par un général de brigade : Plans-Concepts, Renseignement, Opérations-Exercices, Logistique-Ressources, SIC (Systèmes d’information et de communications).
Le personnel de l’EMUE est détaché par les États-membres pour une durée normale de trois ans. Les postes d’officiers traitants sont définitivement attribués à une nation tandis que les postes d’officiers généraux et de colonels sont tournants et répartis par le Comité militaire.
En conclusion la montée en puissance s’est faite très vite et l’état-major européen a rapidement trouvé sa place.
Il appartiendra à l’UE de bâtir un système global de gestion de crise incluant tous les outils, civils et militaires, existants et à venir. L’EMUE y jouera sans nul doute un rôle central. ♦
(1) Uppar : Unité politique de planification et d’alerte rapide.
DGEUMS : director-general EU military staff.
DDG/COS : deputy director general /chief of staff.
Chaque colonne représente une division, comptant entre douze et vingt officiers.
POL/PLS : policy and plans, dirigée par le général de brigade aérienne Lagadec (France).
INT : intelligence, dirigée par le général de brigade Bokoven (Pays-Bas).
OPS/EXE : operations and exercises, dirigée par le général de brigade Romania (Italie).
LOG/RES : logistics and resources, dirigée par le général de brigade aérienne del Castillo (Espagne).
CIS : communication and information systems, dirigée par le général de brigade Brennan (Irlande).
Chaque rectangle correspond à une section (branch), comptant 4 à 5 officiers.
Développement des sigles des sections de l'EMUE : POL, section politique ; CON, section concepts ; FOR, section préparation des forces ; INT POL, section politique du renseignement ; REQ, section expression du besoin ; PRD, section production ; CRM/COP, section gestion de crise-opérations en cours ; EXE, section exercices ; CIO, section coopération civilo-militaire (CIMIC) et information ; LOG, section logistique ; RES SPT, section soutien des ressources ; ADMIN, section administration ; POL REQ, section politique des besoins ; ITS, section technologie de l'information et sécurité.