L'armée en résistance, 1940-1945
Six années de recherches ont permis au général de Boisfleury, qui fut résistant à sa sortie de Saint-Cyr, d’écrire cette histoire, méconnue et parfois dénigrée, de la participation de l’armée à la Résistance. D’innombrables actes de courage, effectués dès 1940 et sans interruption dans toutes les régions de France, par des centaines d’officiers et de sous-officiers, sont replacés dans le cadre stratégique et opératif des armées alliées et de la Wehrmacht. Chronologie, index et bibliographie, complétés par de riches annexes dont une lettre de von Rundstedt au maréchal Pétain, confèrent à l’ouvrage son caractère scientifique.
Davantage que sur les mouvements de résistance, politiques avant d’être militaires, l’étude est centrée sur la lutte armée et sa préparation, qui furent assurées globalement par trois forces qui gardent leur particularisme tout en se confédérant dans la France combattante : l’armée révolutionnaire des Francs-Tireurs et Partisans (FTP), adeptes de l’insurrection urbaine ; l’Armée secrète (AS), émanation militarisée des mouvements, débordée par l’afflux des réfractaires du STO ; l’Organisation militaire de l’Armée, issue de l’armée d’armistice, avant-garde apolitique de l’armée d’Afrique, Organisation de Résistance (ORA) reconnue par de Gaulle.
L’ouvrage suit la montée en puissance de ces groupements de force, et montre la participation de très nombreux cadres d’active et de réserve (4 000 officiers) en priorité dans l’ORA, mais aussi dans l’AS et in fine dans les FTP : les états-majors de Rol-Tanguy et de Guingoin utilisent les compétences des militaires.
La résistance des militaires débute le 23 juin 1940 par l’engagement des services secrets dans la lutte contre l’ennemi ; elle se poursuit avec la mobilisation clandestine, le camouflage des matériels et la mise sur pied des Groupes d’autodéfense (GAD). Son organisateur est le chef d’état-major de l’Armée de terre, le général Verneau, qui succède au général Frère, avant de mourir comme lui en déportation.
Le général de Boisfleury met en lumière le rôle méconnu du général Giraud ; l’organisateur de la mobilisation de l’Empire et de la modernisation de l’armée (plan d’Anfa), est aussi l’initiateur de la résistance armée (il est dénoncé comme tel par von Rundstedt) ; c’est lui qui désigne le général Frère comme commandant en chef de toutes les forces de métropole ; il prend liaison avec les résistants de Corse en décembre 1942, obtient le soutien britannique (SOE) en février 1943 et ordonne à Verneau de conclure un partage des responsabilités avec le général Delestraint, nommé Inspecteur général de l’AS par de Gaulle.
Après l’éviction de Giraud, il reviendra au général Revers de négocier l’admission de l’ORA dans les FFI et dans le Comac (comité d’action militaire), et d’obtenir d’indéniables résultats militaires, en dépit de l’absence de commandements interrégionaux : le freinage des Panzers (plan Tortue), l’ouverture aux Américains de la route Napoléon, les succès du Corps franc Pommiès, du 1er RI, des maquis de l’Ain et du Lomont, le blocage de la colonne Elster.
L’auteur n’élude pas les divergences de vues et les débats tournant autour de la nécessité de l’armistice, la non-résistance à l’invasion allemande de la zone libre, le choix entre action immédiate et différée, l’erreur des maquis mobilisateurs, les ordres et contre-ordres de directions lointaines (EMFFI de Kœnig, Comac de Villon-Vogüe, Comidac de Soustelle).
Ce livre constitue ainsi une contribution significative à l’histoire de la Résistance, « qu’on ne peut comprendre », estime Amouroux, « sans entrer dans son infinie complexité ». ♦