Extraits des allocutions de M. Nicolas Sarkozy, président de la République, du vendredi 13 juillet 2007, à l’occasion de la réception à l’Hôtel de Brienne, Paris ; de la visite des forces nucléaires françaises à l’Île Longue, Finistère ; le 2 juillet 2007, à l’occasion de la grande réunion publique sur le thème de l’Europe à Strasbourg.
Discours de juillet 2007
… L’Europe repart d’un même pas
Cette année, j’ai tenu à ce que cette fête nationale soit aussi celle de l’Europe. Demain, ce sont les 26 drapeaux de nos partenaires européens qui défileront aux côtés de nos armées… C’est l’image d’une Europe qui repart d’un même pas. Une Europe résolue à se remettre en mouvement après deux années d’immobilisme. Une Europe vigilante, qui n’oublie pas l’impératif de protection dans un monde plus instable et moins prévisible. Une Europe prête à assumer ses responsabilités et au sein de laquelle la France a bien l’intention de tenir son rang. Les bases d’une défense européenne existent. Il faut les faire grandir, en quittant le terrain des mots pour celui de l’action.
Demain davantage qu’aujourd’hui, je souhaite que l’Europe soit capable d’assurer sa sécurité de façon plus autonome.
Si la France pèse aujourd’hui sur la scène internationale, il lui faut un outil de défense adapté et à la hauteur de ses ambitions. C’est aussi là l’intérêt fondamental de l’Europe et de nos partenaires.
Aujourd’hui, plus que jamais – et vous le savez mieux que personne – c’est sur le terrain que se gagne ou se perd le combat. C’est sur le terrain qu’une Nation affirme son influence, qu’elle pèse dans une coalition au travers des forces qu’elle est capable d’engager.
…
Pour moi la règle est simple : chaque soldat français engagé en opération le sera de manière utile, au service d’une cause légitime, pour mettre en œuvre une politique lisible et qui sera jugée sur des résultats concrets.
C’est dans cet esprit que j’ai appelé, avec Bernard Kouchner, à la mobilisation de la communauté internationale sur le Darfour. Car chaque jour, le silence y tue et on ne peut accepter qu’on n’y fasse rien. Nous avons relancé, ici, à Paris, le processus. Du côté tchadien, nous n’avons pas attendu pour agir. La rapidité et l’efficacité avec laquelle vous avez mis en œuvre le pont aérien méritent d’être saluées.
Livre blanc, Loi de programmation
Mais soyons francs, nos armées aujourd’hui ne disposent pas toujours des équipements dont elles ont besoin. Les causes en sont multiples, les responsabilités aussi. Il s’agit maintenant de construire l’avenir. Il s’agit de construire l’armée de nos besoins, pas celle de nos habitudes. Je m’y emploierai, car c’est ma responsabilité de chef des armées.
C’est pourquoi j’ai souhaité la rédaction d’un nouveau Livre blanc qui sera régulièrement actualisé. Qui peut croire aujourd’hui qu’une vérité d’il y a quinze ans soit encore totalement pertinente ? Qui peut croire qu’une vérité d’aujourd’hui le sera encore dans quinze ans ? Le monde bouge, nous devons en tenir compte. La faculté de nos armées à s’adapter et à anticiper son évolution est la clé de votre efficacité et de votre crédibilité.
C’est dans cette perspective que se poursuivra la consolidation de notre effort de défense. Cette consolidation ne se réduit pas à une question de moyens. Elle exige des réformes de fond dans l’organisation et la gestion de notre outil de défense. Je demanderai au ministre de la Défense de les conduire.
Il y a des pistes simples, que nous devons explorer sans tarder car nous n’avons pas de temps à perdre. Nous avons fait l’Europe mais, sur notre continent, au moment où je parle, il n’y a rien moins que 3 programmes d’avions de combat, 6 programmes de sous-marins, 8 programmes de blindés… Ne nous plaignons pas que nos concitoyens doutent de l’Europe, si on leur parle d’Europe de la défense et que l’on est capable d’aligner 8 programmes différents de blindés.
Dans le domaine des équipements, il nous faut une remise à plat de nos programmes. Je l’ai annoncée, nous la ferons.
Dans le sillage de la rédaction du Livre blanc, nous préparerons une nouvelle Loi de programmation militaire (LPM). Elle traduira en termes de capacités, d’équipements et d’effectifs, les conclusions politiques que nous tirerons du Livre blanc.
Pour ce vaste chantier, je sais pouvoir compter sur votre loyauté, sur le sens de l’intérêt général de vos chefs et sur votre dévouement. J’ai la responsabilité d’être chef des armées et je l’assumerai. Vous aurez les moyens de vos missions, mais nous avons un devoir vis-à-vis de nos concitoyens : s’assurer que chaque euro investi est utilisé de la meilleure façon.
…
Paris, le 13 juillet 2007
Dissuasion
…
Vous êtes l’assurance vie de la France.
En situation ultime, le pays compte sur vous. Vous devez donc vous préparer à des événements dont on souhaite profondément qu’ils ne se produisent jamais. Cela demande des qualités propres de sang-froid, d’abnégation et de professionnalisme ; mais c’est la Nation qui compte sur vous.
Je sais bien que si l’on est en situation ultime, si les responsabilités pèseront sur vous, elles pèseront aussi sur moi… Je le mesure chaque seconde en étant président de la République. Je n’hésiterai pas à prendre les décisions qui s’imposeraient si les intérêts vitaux de notre pays et si sa sécurité étaient menacés.
Les choix que nous aurons à faire, les choix politiques, les choix financiers, les choix industriels, les choix militaires, nous les ferons en ayant conscience d’une double exigence. La sécurité de notre pays, c’est une priorité absolue. Elle repose sur les épaules du président de la République et en quelque sorte par délégation sur les vôtres. De ce point de vue, je donnerai donc les moyens nécessaires pour que la sécurité de la France en toute circonstance soit garantie. C’est mon devoir, c’est mon premier devoir. C’est donc ma première priorité. Il faut que vous le sachiez, la dissuasion c’est aussi une dimension diplomatique, stratégique, politique au vrai sens du terme pour notre pays. Nous sommes membres permanents du Conseil de sécurité. Nous sommes l’une des puissances nucléaires, militaires et civiles du monde. Cela nous donne un rôle, une responsabilité, un rayonnement. Vous êtes aussi les acteurs de cette responsabilité, de ce rôle, et de ce rayonnement, ne l’oubliez jamais.
Nombre de pays, parfois à juste titre, réclament une place de membre permanent au Conseil de sécurité. Sans doute à leur place ferions-nous la même chose. Mais parfois ils ignorent que cela crée des responsabilités financières, politiques, militaires. Cela crée aussi le prix du sang pour les militaires qui servent au service de grandes causes sous contrôle de l’Organisation des Nations unies.
…
Île Longue, le 13 juillet 2007
Renaissance de l’Europe
…
Le moment est venu d’engager une réflexion à 27 pour dire : qu’est-ce que c’est que l’Europe ? …quels critères… ? Sur quels principes elle se définit ? Je veux que l’on aille plus loin …que l’on soit plus clair… L’Europe, ce n’est pas que la monnaie, ce n’est pas que la discipline budgétaire, ce n’est pas que le droit de la concurrence, ce n’est pas que des frontières, ce n’est pas que la pondération des votes. L’Europe, c’est un projet de civilisation.
L’Europe a besoin d’une nouvelle Renaissance. Elle a besoin de créer les conditions de cette Renaissance.
Elle a besoin de créer ce climat psychologique, intellectuel, moral grâce auquel, au sein de nos vieilles Nations, chacun aura de nouveau l’intuition que tout est possible, qu’il peut réaliser ses rêves, que les possibilités de l’aventure humaine sont infinies, grâce auquel renaîtra la foi dans l’avenir et la confiance en soi.
C’est par le savoir, par la connaissance, par l’éducation, par la culture, par l’école, par l’université, par la recherche, que cette Renaissance commencera et qu’elle soulèvera toute la jeunesse européenne.
Au milieu des contraintes de toutes sortes, des difficultés et des grands bouleversements du monde, il faut à la France et à l’Europe une politique de civilisation. Le plus grand défi au fond pour nous tous, c’est d’être capable de les imaginer et de bousculer tous les conservatismes pour les mettre en œuvre (…) c’est d’imaginer des politiques capables de remettre partout de la vie, de la création, de l’innovation, de l’esprit de conquête. Parce que c’est cela qui manque à l’Europe d’aujourd’hui.
Il y a en Europe toutes les forces de l’esprit, toutes les énergies pour que ce miracle s’accomplisse. Il nous reste à les mobiliser.
…
L’Europe sera une réalité quand elle aura trouvé en elle ce peu d’audace, d’intelligence, de cœur et de courage qui lui permettra de nouveau d’étonner le monde.
L’Europe le peut si elle le veut.
La France est de retour. Elle est de retour en Europe sans que la volonté que le peuple a exprimée lors du référendum sur la Constitution ait été trahie. Ce n’était pas facile. Il fallait faire revenir la France au cœur de l’Europe, faire redémarrer l’Europe sans trahir le message des Français.
…
Strasbourg, le 2 juillet 2007