Une nouvelle prise de conscience des bénéfices mutuels de l’interaction entre le monde de la défense et celui de l’université doit permettre de mieux préparer les élites à l’exercice des responsabilités dans un monde où les questions de sécurité, notamment économique, sont omniprésentes. Les « référents défense » de l’université en deviennent peu à peu les principaux artisans.
Enseignement supérieur et enjeux de défense et de sécurité nationale
Higher education and the challenges of defence and national security
A new focus on the mutual benefits of interaction between the worlds of defence and academia should better prepare those who govern us for the exercise of responsibility, in a world where questions of security (in particular economic security) are omnipresent. University specialists in defence matters are gradually becoming the principal actors.
Le développement de liens entre Défense et Université n’est pas une préoccupation nouvelle. Depuis 1970, comme l’a bien montré un travail récent publié dans cette revue (1), de multiples efforts et de multiples initiatives ont contribué à ce rapprochement, essentiellement au niveau du troisième cycle de l’enseignement supérieur et de la recherche. À l’évidence cependant, la sensibilisation ou la formation aux questions de défense et de sécurité des futures élites, au cours de leur formation supérieure, ne représentent pas une priorité dans notre pays, comme si, de ce point de vue, tout était acquis à l’issue de la Journée d’appel de préparation à la Défense (JAPD) qui clôture le parcours de citoyenneté. En la matière, on ne peut se contenter des efforts louables faits dans le secondaire, comme on ne peut se réfugier derrière l’existence de quelques actions phares telles que celles que mène l’IHEDN, et considérer de facto que l’enseignement supérieur est un monde à part, inaccessible à cette réflexion.
Forte du positionnement de la Commission Armées-Jeunesse auprès des représentations de jeunes, du ministère de la Défense et des armées et des mondes éducatifs, sa présidence s’est proposée début 2009, de mener une réflexion originale sur ce thème. Cette proposition a reçu l’approbation du Comité de pilotage du protocole d’accord du 31 janvier 2007 signé entre les trois ministères concernés. Cette initiative avait pour but de savoir si l’enseignement supérieur a une mission de sensibilisation et de formation aux questions de défense et de sécurité et, si tel est le cas, quelles sont les actions envisageables et les difficultés à surmonter. L’enjeu était donc de combler un vide sur ce sujet abordé à maintes reprises, mais toujours de façon indirecte ; ainsi, en 2002, au cours de la table ronde du CEHD consacrée à cette thématique, il avait été essentiellement traité des enseignements de défense spécifiques, mais jamais sous l’angle de la sensibilisation de la masse des étudiants lors de leur cursus de formation supérieure (2). Les références manquent donc sur cette question précise et ce travail récent a eu vocation à y remédier.
La réponse à un besoin encore timidement exprimé
La cinquantaine d’auditions réalisées par le groupe de travail incluant celles des organisations étudiantes représentatives, a mis en évidence un large consensus sur le degré majeur d’ignorance de la jeunesse étudiante vis-à-vis des enjeux de défense et de sécurité nationale et force est de constater que les élites n’ont en général aucune approche de ces questions lorsqu’elles rejoignent leur premier emploi. Si la suspension de la conscription n’est évidemment pas étrangère à l’aggravation de ce phénomène, ce constat est à rapprocher des problématiques sociétales qui entourent l’acquisition des notions de citoyenneté et souligne les insuffisances du parcours citoyen dévolu à l’enseignement secondaire. Dans ce contexte, et sans qu’il soit question de demander à l’enseignement supérieur de suppléer peu ou prou aux insuffisances du parcours scolaire, ni de procéder au développement d’un esprit de défense sur les campus, il lui appartient de combler cette dangereuse lacune en répondant aux exigences d’une formation dite supérieure visant à faire de nos étudiants des acteurs libres mais aussi responsables. Globalement, il convient de développer la capacité des étudiants d’avoir une vision du monde et de ses risques et cette acculturation devrait participer de tout cursus universitaire. Cela inclut évidemment la connaissance des enjeux de défense et de sécurité nationale. Bien que ces questions ne correspondent pas à une discipline donnée, les universités doivent prendre conscience de leur rôle dans ce domaine car il est inconcevable que nos futures élites n’acquièrent pas un minimum de compréhension de ces enjeux et des acteurs à qui ils sont confiés, au même titre qu’elles doivent avoir connaissance des nouveaux conflits environnementaux, humanitaires ou politiques et du rôle des institutions nationales et internationales.
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