La stratégie est aujourd’hui le produit d’une nécessité sécuritaire par une acceptabilité sociale. Elle conduit à examiner les guerres matricielles et leurs auteurs probables. C’est, selon l’auteur, pour la France l’occasion d’un nouvel investissement militaire en Europe.
Quelles stratégies pour la nouvelle décennie ?
What strategies for the new decade?
Strategy today stems from a need for security, and is constrained by social acceptability. It leads us to examine matrix-like wars, and those who might well be responsible for them. The author suggests that this is France’s opportunity to make a new military investment in Europe
When you’re wounded and left on Afghanistan’s plains,
And the women come out to cut up what remains,
Jest roll to your rifle and blow out your brains,
An’go to your Gawd like a soldier.
Rudyard Kipling, The Young British Soldier.
Le quotidien britannique The Daily Telegraph, journal conservateur, a fait paraître en supplément, entre les 7 et 12 novembre 2010, une remarquable série de DVD sur l’art de la guerre au XXe siècle (A Century of Warfare). Le journaliste et auteur Con Coughlin commençait son article annonçant la série en s’interrogeant sur le rôle des médias et le phénomène de la guerre : « Je me suis souvent posé cette question : est-ce que les peuples européens auraient permis que leur gouvernement continuât avec ce massacre s’il y avait eu des caméras de télévision pour filmer le carnage du front de l’Ouest durant la Première Guerre mondiale, lequel se termina, comme on sait, par 9 millions de morts ? » (1).
À cette question Coughlin répondait en fin d’article qu’il était difficile d’imaginer que dans ces conditions l’opinion publique britannique l’eût permis. Il y a ici l’expression d’une idée maîtresse : dans le monde moderne, la stratégie ne s’élabore pas, d’abord en fonction de la tactique, des forces en présence, voire des buts que se fixe un gouvernement, mais en fonction de ce qu’un peuple permet ou non, dans des conditions particulières, allant de sa souveraineté pleine et entière à celles de sa soumission à un régime autoritaire ou totalitaire, nécessitant dans les deux cas, contrairement à l’idée reçue, une forme d’approbation (la France de 1914 illustrant le premier cas, la bataille de Stalingrad le second). Ainsi l’émergence de la culture individualiste sous la forme d’un « souci de soi narcissique » pose de réels problèmes du point de vue de la stratégie dans la mesure où elle affecte les passions politiques et donc le soutien ou non aux politiques nationales, en prônant, par exemple, une autonomie individuelle toujours accrue contre l’effort national ; effort sans lequel la mise en application de toute stratégie peut se révéler extrêmement délicate. Pierre Rosanvallon a observé ce phénomène du « déclin des passions politiques », non sans une certaine ambiguïté (2).
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