La crise n’est ni une surprise ni une catastrophe. Annoncée depuis une décennie, elle signe la fin d’une civilisation atlantique qui a fait son temps et doit être remplacée. Mais comment faire pour penser « en dehors de la boîte » ?
Souvenirs du monde de demain
Souvenirs of tomorrow’s world
The crisis is neither a surprise nor a catastrophe. It has been in the making for ten years; it marks the end of an Atlantic civilisation which has had its day and must be replaced. But how can we think ‘outside the box’?
Dans un article paru dans cette revue fin 2006, nous dénoncions l’échec du modèle de pensée occidental (1). Quatre ans et une crise financière plus tard, rien n’a changé, ce qui était alors prévisible est devenu réalité : après plus de deux siècles de progrès foudroyants, nous régressons. Même les pays dits émergents sont plombés par la mise en œuvre d’un principe qui échoue désormais à expliquer les évolutions d’un monde qui chavire.
Un monde de ouistitis irresponsables
Il y a deux manières de voir les choses : soit nous sommes dans une conjonction de crises et, globalisation ou pas, il faut de toute manière les dénouer une à une ; soit nous sommes en butée d’un modèle impuissant à prévenir des accidents qui surviennent tous en même temps précisément parce que le modèle est en fin de course. Dans la première hypothèse, il faut attendre l’éclaircie ; dans la seconde, il ne sert à rien de pratiquer un acharnement thérapeutique qui nous fait perdre un temps désormais précieux.
Le doute était encore permis à certains au lendemain de la crise financière de 2008 : il ne l’est plus. Il n’est qu’à écouter et lire nos stratégistes qui se contentent désormais de constater l’étendue des dégâts sans plus se risquer à aucune prospective. Et qui se répandent sur les plateaux télés d’une même complainte : qui aurait pu prévoir, qui avait prévu ? Eh bien, simplement l’auteur de ces lignes, quoique n’appartenant pas aux cénacles ! Ainsi le déclin de la puissance américaine est devenu le dernier discours à la mode chez ceux qui, il n’y a pas encore deux ans, voyaient les États-Unis aux commandes de la planète jusqu’en 2020 au moins ; nous l’avions pourtant anticipé dès 2002 au prisme du piège afghan (2). Ces précieuses ridicules de la géostratégie se relisent-elles, qui se complaisent dans ces formules à l’emporte-pièce que chérit le management américain, et des modèles qui prétendent tous à l’universalité alors qu’ils sont non seulement contradictoires, mais concurrents voire antagonistes ? Un même intervenant peut ainsi en cinq minutes de temps, et sans ciller, vous expliquer le nouvel ordre mondial sous l’angle du monde-un globalisé, avant d’enchaîner sur le même monde multi ou pluri-polaire remplaçant une unipolarité qu’il se sera bien gardé de définir, pour vous parler d’un G2 et d’une nouvelle confrontation bipolaire ; non sans avoir sacrifié au passage à la célébration d’une hyperpuissance militaire qu’il admettra pourtant en pleine déroute en Afghanistan.
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