Asie - L’Asie du Nord et la défense antimissiles
L’analyste pressé à qui l’on demanderait de porter un diagnostic sur l’évolution de la défense antimissiles en Asie pourrait être tenté de schématiser la situation en ces termes : face au développement avéré des capacités militaires tant balistiques que nucléaires de la dictature néo-stalinienne nord-coréenne, les pays les plus développés de la zone (Japon, Corée du Sud), par ailleurs les plus menacés par ces systèmes d’armes, se seraient rapprochés des États-Unis, également sujets au même type d’inquiétude, afin de développer en commun et dans une optique évolutive, un certain nombre de capacités antimissiles avec le pays réputé disposer de la plus grande expertise en la matière. Un examen plus attentif de la configuration stratégique actuelle de la zone nous dévoilerait cependant une situation quelque peu différente : le commentateur avisé, loin d’associer un peu hâtivement les postures japonaise et sud-coréenne en un même raisonnement, marquerait au contraire leur nette distinction, tant en matière de relations aux Américains que de marge de manœuvre étatique, ainsi que de perception de la menace.
Insuffisance du raisonnement stratégique abstrait ? Incomplétude de cette sorte de rationalité purement instrumentale qui, d’une situation problématique, n’en étudie la plupart du temps que le système ou la structure, et ce au détriment de la diversité souvent foisonnante du réel ; et qui, par l’usage abusivement réducteur de la Théorie des jeux tout autant que par la surestimation du caractère en soi contraignant de la configuration globale à analyser, en vient à s’affranchir de l’irréductible individualité tant politique que géographique ou culturelle des États qui y participent ? Probablement. Quoi qu’il en soit, toujours est-il que, malgré des positions apparemment similaires face au risque nucléaire, ces deux pays semblent conduire en matière antimissiles des stratégies de nature sensiblement différente.
Le Japon, avec l’acquisition de 4 bâtiments type Kongo équipés du système Aegis ainsi que le développement en commun de certaines composantes du SM3-Block II A, semble une fois de plus avoir effectué le choix de l’extrême proximité avec le traditionnel allié américain, en une zone où se ressent avec de plus en plus d’acuité l’ombre portée d’une Chine en pleine expansion économique. Ce dispositif, complété par le déploiement, en particulier à proximité des bases américaines de la région, de nombreuses batteries d’intercepteurs de type PAC-3 – à l’efficacité éprouvée et dérivées du Patriot – fait de l’exemple japonais un cas emblématique de la stratégie de co-développement effectif d’un bouclier antimissiles d’envergure planétaire, qui est actuellement menée par les États-Unis.
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