Le retour du Soleil levant, la nouvelle ascension militaire du Japon
Le retour du Soleil levant, la nouvelle ascension militaire du Japon
Vaincu à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, démilitarisé par les Américains, le Japon a néanmoins reconstitué avec l’aide des États-Unis, qui d’ennemis sont devenus le principal allié, une armée puissante et à la pointe de la technologie. Pourtant, la constitution lui interdit la possession d’un potentiel militaire offensif. Pour gérer ce paradoxe, les Japonais ont créé avec le soutien du parrain américain des forces d’autodéfense (FAD) dans les années 50 qui ont finalement constitué le socle d’une machine de guerre crédible. C’est cette évolution subtile qui est décrite par Édouard Pfimlin dans un ouvrage très documenté. Ce livre devrait donc intéresser les spécialistes des questions militaires et de géopolitique.
À partir des années 90, Tokyo a commencé à envoyer des soldats à l’étranger, notamment dans le cadre des opérations de maintien de la paix. La première intervention a eu lieu au Cambodge entre septembre 1992 et septembre 1993 dans le cadre de l’Apronuc (Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge) avec le déploiement de 600 membres des FAD engagés essentiellement dans des projets de reconstruction. D’autres missions ont été menées au Mozambique (1993-1995), au Rwanda (1994), sur le plateau de Golan (à partir de 1996), au Timor-Oriental (mars 2002-juin 2004) avec le déploiement de plus de 2 000 hommes (ce qui représente la plus forte contribution japonaise à ce type d’opération) et à Haïti (à partir du 6 février 2010 pour des travaux de restauration dans ce pays dévasté le 12 janvier 2010 par le tragique séisme). À ces engagements s’ajoutent les missions destinées à combattre la piraterie maritime. La loi « anti-piraterie » du 23 juin 2009 permet maintenant aux bâtiments de la Marine japonaise de recourir à la force en cas d’attaque non seulement de navires nippons, mais aussi étrangers.
L’opération la plus marquante de cette rupture avec le tabou de l’envoi de troupes japonaises à l’étranger reste cependant celle qui s’est déroulée en Irak. Pour la première fois depuis 1945, les FAD intervenaient dans un environnement non sécurisé donc potentiellement dangereux pour leurs unités. Toutefois, les activités des militaires concernèrent la fourniture de soins médicaux, la purification et la distribution d’eau ou encore la remise sur pied d’édifices publics comme des écoles ou des cliniques. Une autre loi adoptée par le Japon, la loi pour l’aide internationale aux désastres, a aussi permis aux FAD de mener une opération « non militaire » à l’extérieur, en réponse au tsunami dans l’océan Indien. À cette occasion, les forces japonaises ont déployé (janvier 2005) 1 500 hommes et une flottille (comportant notamment 5 hélicoptères) à proximité d’Aceh (île indonésienne de Sumatra). La conséquence de cette implication dans l’aide internationale s’est traduite par la création en mars 2007 d’une force d’intervention rapide de 4 000 hommes susceptible de faire face immédiatement à des situations d’urgence de caractère national ou mondial.
Au-delà du champ humanitaire, les considérations stratégiques ont également influencé la politique de défense du Japon. La menace nord-coréenne a ainsi précipité Tokyo dans sa décision de participer à un processus de protection antimissiles balistiques. Cette initiative encadrée par Washington s’est exprimée par la mise en place d’un dispositif de défense antimissiles qui s’appuie sur le système Aegis. Cette entité d’interception en haute mer consiste en un déploiement de navires qui couvrent une aire de 2 000 kilomètres de diamètre contre les missiles de courte et moyenne portée, comme le No Dong-1 nord-coréen
Au total, l’ensemble des effectifs des FAD s’élève à 230 000 (données établies en 2008). Avec le soutien du parapluie américain (qui n’est pas près de s’arrêter, au moins à l’horizon des prochaines décennies), le Japon a renforcé ses possibilités offensives, mais il est encore loin de posséder des capacités offensives lointaines. S’il y a « remilitarisation », elle demeure cependant limitée par de nombreuses contraintes tant constitutionnelles que politiques et économiques. L’empire du Soleil levant dispose toutefois d’atouts considérables, en particulier une prééminence dans les domaines de pointe comme la microélectronique, la robotique, ainsi que les technologies de l’information et de la communication. Tous ces champs d’activité représentent des secteurs d’avenir qui, à terme, pourront aussi jouer un rôle crucial dans le développement militaire. ♦