Pour aborder des temps incertains et se confronter à des partis nouveaux sur des terrains lointains, il faut désormais démultiplier nos approches de la conflictualité. Une relecture de Sun Tzu peut nous y préparer en recherchant des modes de pensée alternatifs au seul usage de la force et de la supériorité.
Sun Tzu, regard d’actualité sur les conflits limités
Sun Tzu revisited
In order to cope with uncertain times and confront new adversaries in faraway places, we need to diversify our approaches to conflict. A fresh look at Sun Tzu can help to prepare us, by the search for ways of thinking which may lead us to alternatives to the use of brute force and material superiority.
Les guerres coloniales ont certes marqué l’histoire contemporaine des pays européens, mais ont toujours eu, par leur nature même de conflit périphérique, un rôle limité dans l’élaboration des systèmes de défense. Elles n’ont naturellement guère marqué l’inconscient collectif des sociétés et populations, en raison même de l’absence de combats sur notre sol. Les esprits ont, des décennies durant, été imprégnés de l’image du choc frontal entre deux puissances, l’une devant inéluctablement subjuguer, voire annihiler l’autre. Au prix de quelques simplifications, on a alors fait de Clausewitz le penseur de référence de ce type d’affrontement, dont l’aboutissement se trouve dans le modèle de guerre totale prôné par Ludendorff.
L’arme nucléaire, avec son pouvoir destructeur et les différentes doctrines qui se sont progressivement développées autour de son emploi, mais aussi in fine de son non-emploi, a dominé la guerre froide et modelé durablement nos modèles d’armée, mais aussi, de manière profonde notre réflexion. D’ailleurs, il serait certainement dangereux de laisser croire que ce genre de conflit a disparu à jamais. Il est vrai que le modèle le plus fréquent ces dernières années a été la guerre expéditionnaire, limitée par nature en raison de l’ampleur des moyens déployés, l’absence de menace directe contre notre territoire, ce qui a facilité l’acceptation fragile de ces conflits par nos populations. La redécouverte récente des penseurs de la contre-insurrection illustre bien la recherche de nouvelles pistes pour répondre aux interrogations que suscite notamment le conflit afghan.
Certes, de la situation dans ce théâtre il serait dangereux de tirer une leçon sur l’emploi de la force armée dans les prochaines décennies. La veille des attentats du 11 septembre 2001, il était impossible de prévoir que dix ans plus tard des blindés lourds, de l’aviation, de l’artillerie et plusieurs dizaines de milliers de soldats se trouveraient engagés en Asie centrale. De même, une description précise des conflits des prochaines décennies relève d’une prospective particulièrement ardue en raison des difficultés intrinsèques à distinguer, voire à admettre, qui seront nos prochains ennemis. En revanche, sans renier Clausewitz, qui conserve toute sa pertinence dans la réflexion sur les conflits interétatiques, reprendre L’Art de la guerre sans a priori permettrait de mieux comprendre la réalité des guerres limitées et notamment des guerres insurrectionnelles.
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