La Pologne offre un excellent exemple de la longue et difficile marche des pays d’Europe centrale et orientale vers une défense vraiment européenne. Dotée d’une sensibilité particulière liée à son histoire, elle aborde le thème de la sécurité sur un registre distinct de celui des pays d’Europe de l’Ouest mais qui tend depuis peu à les rejoindre.
Prix RDN-École de guerre 2011 - « Qui veut être mon ami ? » : la politique de défense de la Pologne à travers ses alliances
Who wants to be my friend?
Poland is an excellent example of the long and difficult march of the countries of Central and Eastern Europe towards a truly European system of defence. With its history giving the country a special sensitivity to the subject, Poland views the issue of its security on a different plane to the countries of Western Europe, but this attitude has been tending recently towards a more consensual approach
Dal nam przyklad Bonaparte jak zwyciezac mamy (Bonaparte nous a montré comment vaincre). L’hymne national polonais nous rappelle que Paris et Varsovie ont entretenu des relations fortes dans le passé. À l’heure où des voix s’élèvent en France pour remettre en question l’héritage de Napoléon, cet extrait nous montre aussi que les deux pays ont évolué différemment, puisque les Polonais chantent les louanges de l’Empereur qui a donné une nouvelle naissance à leur pays en 1807. De la même façon, la Pologne ne conçoit pas sa défense comme la France car elle a une perception différente de la menace. C’est pourquoi depuis quelques années, ses alliances sont déséquilibrées au profit d’une relation bilatérale « privilégiée » avec les États-Unis, tandis que la place de l’Europe ne se trouve pas au premier rang. Suite à l’élection récente de M. Komorowski au poste de président de la République, la Pologne cherche encore un équilibre satisfaisant entre relations bilatérales et multilatérales, tout en restant convaincue que seuls ses Alliés lui apporteront une garantie de sécurité face à la très puissante Russie. Au vu de l’évolution de la situation internationale et des attentes du peuple polonais, une inflexion des priorités vers l’Europe semble pourtant inéluctable.
Pour s’en convaincre, il convient de relire les textes officiels, afin de bien évaluer les tensions sur la sécurité de la Pologne. Puis il s’agit d’observer l’évolution récente du lien transatlantique et le constant besoin de garanties sécuritaires de la Pologne. Enfin, de replacer cette thématique dans une perspective historique qui permet d’entrevoir à moyen terme une collaboration plus étroite avec la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC).
Les stratégies de défense nationale
Trois documents officiels traitent de la politique de défense de la Pologne. Ces textes qui se recoupent, fixent les fondements, le cadre d’action et les moyens de la politique de sécurité.
Les objectifs dans les domaines intérieur, social, économique, écologique sont énumérés dans la « Stratégie de sécurité nationale » éditée en 2007. Il y est stipulé que le but des armées reste la défense du territoire et l’intervention au profit des membres de l’Alliance atlantique. Selon ce document, le prochain conflit n’impliquera pas directement la Pologne mais peut déclencher la mise en œuvre de l’article 5 de la Charte, relatif à la défense collective.
Selon la « Stratégie de défense nationale » de novembre 2009, les buts stratégiques de la défense sont la protection de l’indépendance et de l’intégrité du territoire polonais. Un conflit local, à proximité des frontières n’est pas exclu. À ce titre, la stabilisation des Pays d’Europe centrale et orientale (Peco) est dans l’intérêt national. Les relations avec la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine sont donc fondamentales car la situation interne de ces pays a une influence directe sur la politique intérieure polonaise. Il y est précisé que les menaces prioritaires sont énergétiques, au premier rang desquelles une coupure des approvisionnements (venant de Russie, NDLR). Elles peuvent aussi être terroristes et incluent la prolifération d’armes de destruction massive. Comme l’a confirmé le conflit de 2008 en Géorgie *, l’intérêt du volet militaire de la défense est toujours d’actualité. La participation à l’Otan et à l’UE, ainsi que le lien stratégique bilatéral avec les États-Unis, renforcent la sécurité de la Pologne. C’est pourquoi, l’interopérabilité maximale avec les forces otaniennes doit être recherchée par l’entraînement, l’équipement, les standards et les procédures.
* Conflit en géorgie
Lors de ce conflit, l’immobilisme des États-Unis a marqué les Polonais. D’autant plus que l’administration américaine évoquait avant la guerre une éventuelle intégration de la Géorgie dans l’Otan et prévoyait d’y implanter deux bases. À titre de comparaison, le Président polonais a fait le voyage alors que des combats avaient encore lieu, pour s’entretenir avec son homologue Mikhaïl Saakachvili.
Enfin, les interventions extérieures ont donné lieu en 2009 à l’élaboration d’une « Stratégie de participation des forces armées aux opérations internationales ». Cette participation répond aux obligations du pays dans le cadre de ses alliances. Il en ressort que les interventions garantissent des avantages politiques internationaux. Les trois principes de ces opérations sont : finalité, liberté d’action, économie des moyens. Il est précisé qu’une légitimation par l’ONU n’est pas un préalable nécessaire. L’intervention se fait seulement en accord avec les intérêts nationaux et les capacités budgétaires. Incidemment, la mission de protection du territoire exclut d’utiliser la totalité du potentiel militaire pour mener ces opérations extérieures. En cas de déploiement, une partie suffisante des forces disposant notamment d’une capacité antiterroriste doit donc assurer la protection du territoire, face à une menace venant de l’Est.
À l’Est, rien de nouveau
Bien saisir la sécurité de la Pologne, c’est d’abord comprendre qu’elle ne se sent pas protégée contre toutes les menaces, au premier rang desquelles la Russie. Le Polonais n’a pas la conviction d’être à l’abri d’une agression d’ampleur sur son sol. Ce sentiment est répandu dans l’opinion publique, comme au sein de la classe politique. Il est le résultat d’une histoire au cours de laquelle le pays fut ballotté, jusqu’à récemment encore, entre indépendance plus ou moins contrôlée et disparition pure et simple (la Pologne a été rayée de la carte européenne entre 1795 et 1918).
En effet, ouverte à l’Est et à l’Ouest, la grande plaine polonaise encourage les invasions ; tandis que les Carpates au Sud canalisent les déplacements. Dans la plus pure tradition géopolitique, ses ennemis traditionnels se trouvent donc sur ses frontières occidentales et orientales. Après la reconnaissance par l’Allemagne de la ligne « Oder-Neisse » en 1990, seul le voisin russe reste une menace lorsqu’il s’agit de sécurité énergétique, de déstabilisation de l’étranger proche, voire d’interventions plus directes, sans qu’il ne soit jamais nommé dans les documents officiels. Cependant, les responsables de l’appareil exécutif ne se privent pas de le citer au cours de leurs diverses apparitions publiques. En effet, la Russie utilise régulièrement l’approvisionnement énergétique comme moyen de pression sur ses anciens Alliés du Pacte de Varsovie. De plus, semblant fournir à ses détracteurs polonais un argument de poids, Moscou a désigné l’Otan comme une « menace » dans sa nouvelle doctrine de défense et, au mois de septembre 2009, a effectué avec la Biélorussie un exercice militaire sur la frontière Est de l’Organisation atlantique, présenté à Varsovie comme des manœuvres anti-polonaises. Cela pousse la Pologne à chercher des alliés, seul moyen selon elle, d’assurer son indépendance voire sa survie. C’est bien la participation des États-Unis, leur « allié privilégié » selon les dires du Président polonais, qui fait de l’Otan l’organisation fondamentale pour la sécurité de la Pologne.
La position polonaise sur la réforme du concept stratégique de l’Otan
La Pologne fonde sa politique de défense sur son appartenance à l’Otan en raison de l’article 5 du Traité atlantique. Elle entend donc y jouer un rôle moteur et faire valoir ses idées dans la réforme de l’Organisation. Sa participation à l’opération en Afghanistan se veut une preuve tangible de sa fiabilité en tant qu’allié. En contrepartie, Varsovie entend que les anciens membres prennent en compte ses problèmes sécuritaires spécifiques. Ainsi, le gouvernement pense que les relations Otan-Russie ne sauraient reposer exclusivement sur la volonté de l’Organisation de coopérer avec Moscou, mais doivent prendre en compte la politique russe concernant l’Alliance et chacun des alliés. Or, dans un contexte budgétaire difficile, les États contributeurs de l’Alliance souhaitent faire évoluer son concept stratégique. Une fracture se dessine dès lors entre les anciens membres, plus importants contributeurs financiers et les pays d’Europe centrale, moins riches au moment de leur adhésion et donc bénéficiant de clefs de répartition avantageuses *, parmi lesquels la Pologne.
* Contribution financière
La contribution financière des États-membres de l’Otan se fait en fonction de clefs de répartition définies au moment de l’adhésion et révisées à intervalles réguliers. Les pays d’Europe centrale avaient des budgets peu élevés et ont donc bénéficié de clefs favorables. Leur niveau de vie a augmenté depuis, mais les clefs n’ont pas été revues à la hausse.
Sa priorité dans la réforme est l’amélioration des outils et méthodes de la défense collective. Elle estime que le nouveau concept stratégique devra mieux équilibrer la mission de défense territoriale et les opérations extérieures. En outre, elle s’inquiète d’une diminution des effectifs de l’Otan qui impliquerait une réduction de son empreinte sur son territoire. Elle privilégie pour les membres situés aux frontières de l’Alliance, l’élaboration à Shape de plans de défense permanents, régulièrement mis à jour. L’objectif est de faciliter un déploiement rapide en cas d’urgence. De plus, pour répondre à l’exercice conjoint mené par la Russie en 2009, elle souhaite accueillir dès 2013 un exercice d’ampleur, mettant en œuvre la force de réaction de l’Otan (NRF). En ce qui concerne les armes nucléaires substratégiques, elle considère que toute décision sur l’avenir des missiles tactiques américains stationnés en Europe doit faire l’objet d’une décision collective et non d’une décision unilatérale américaine. D’après elle, leur retrait devrait se faire sur une base de réciprocité avec les missiles russes. Afin de faire valoir ses idées, elle a renforcé sa relation bilatérale avec les États-Unis.
Avec les États-Unis : une relation bilatérale déséquilibrée ?
Varsovie recherche l’appui d’un allié puissant et a fait tout son possible pour installer son Allié en Pologne. L’emprise trop grande de ses deux proches voisins lui a toujours interdit de nouer avec eux des alliances, sans craindre l’absorption. Cela l’a donc encouragé à chercher un allié au-delà de son environnement immédiat. En son temps, la France jouait ce rôle : elle était alors le pays le plus puissant du continent. À la fin des années 90 et jusqu’à aujourd’hui, les États-Unis sont l’allié indispensable, car le seul crédible aux yeux de Varsovie lorsqu’il s’agit de faire face à la Russie. Les rapports internationaux de la Pologne à partir de 1990 font donc la part belle à une relation forte avec Washington afin de fonder la sécurité sur un jeu de puissance, dans une vision purement réaliste des relations internationales. C’est d’ailleurs en revendiquant la position de « meilleur allié » que la Pologne s’est engagée en Irak, ainsi qu’en Afghanistan, à hauteur de 2 500 hommes dans chaque opération. La déclaration de coopération stratégique entre les deux pays date du mois d’août 2008. Elle institutionnalise la collaboration politico-militaire par la mise en place d’un groupe consultatif. Dans la pratique, cette coopération permet de moderniser le matériel de l’armée polonaise. Ainsi, les crédits FMF (Foreign military financing) mis en place par les États-Unis pour l’armée polonaise en 2008 se sont élevés à 22,1 millions de dollars et ont plus que doublé en 2010. La tendance au rapprochement s’est en outre accentuée, car les États-Unis illustrent parfaitement l’idéal de société libérale envisagée par les Polonais, en rupture avec le modèle économique et social précédent imposé par l’URSS.
Dans ce cadre, alors qu’au XVIIe siècle le gage d’une relation bilatérale était souvent un mariage, aujourd’hui la garantie ultime pour la Pologne consiste à installer son Allié sur son territoire. Elle vient d’y parvenir avec l’établissement en Varmie-Mazurie de 32 missiles sol-air Patriot, en 2010 à titre temporaire et en 2012 à titre définitif. Ces batteries, arrivées sur le territoire en juin dernier, sont pour l’instant désarmées et servent à former des militaires polonais. Mais le ministre de la Défense M. Klich a lui-même annoncé devant les médias, que la présence de troupes américaines sur le sol polonais était en elle-même plus importante que le déploiement de missiles armés *.
* Déploiement de Patriot
Incidemment, il semble douteux que des Patriot armés par des Américains soient déployés un jour sur le territoire polonais, en raison des réserves émises par Moscou. En revanche, il est possible que l’objectif ultime des États-Unis dans ce projet soit de former des militaires polonais afin de faciliter la vente de ce système à la Pologne, qui dispose d’une défense sol-air clairement sous dimensionnée.
Parallèles historiques : histoire de trois échecs annoncés
L’histoire de la Pologne est riche en enseignements. Elle permet ce que Sun Tzu appelait la « connaissance anticipée » ; les mêmes causes pouvant produire les mêmes effets. Or, certaines alliances passées de la Pologne peuvent être à l’origine de déboires notoires pour le pays. La similitude avec les choix contemporains est frappante.
L’échec annoncé de la recherche de reconnaissance internationale au sein d’une alliance
En mars 1683, la Pologne signe avec l’Autriche un traité d’assistance en cas d’attaque et, dès l’été, Jean Sobieski part à la tête de son armée, afin de respecter à la lettre ses obligations. Ce faisant, il sauve Vienne. Le roi a alors pris un risque énorme car il a dégarni ses frontières face à l’ennemi hongrois. Le déploiement de son armée à l’étranger est donc bien le résultat d’un choix politique : montrer à l’empereur autrichien que l’on est un allié fiable, afin d’obtenir la réciproque en retour. Cette contrepartie n’a jamais eu lieu. Non seulement l’empereur autrichien ne participa pas à la bataille, puisqu’il quitta la ville en compagnie de 6 000 hommes juste avant l’assaut mais en plus, l’Autriche n’interviendra pas pour aider son allié qui, vingt ans plus tard, se bat seul face à la Suède.
L’échec annoncé des garanties apportées par une alliance de sécurité
1er septembre 1939 : attaque allemande sur la Pologne, malgré la signature d’une déclaration de non-agression entre les deux pays ; 12 septembre 1939 : arrêt des opérations françaises et anglaises en contradiction avec deux traités de sécurité valides ; 19 septembre 1939 : attaque soviétique sur la Pologne, malgré le pacte de non-agression signé avec Staline. En trois semaines, quatre pactes ou traités liant la Pologne à ses voisins et Alliés n’ont pas été respectés. Si l’alliance sécuritaire peut être un gage de bonne entente, elle ne saurait constituer une garantie d’avenir.
L’échec annoncé de l’installation de son allié sur son propre sol
En 1226, le duc de Mazovie, voyant son territoire envahi par des païens venus du Nord, demande l’aide des Chevaliers teutoniques, leur promettant des terres pour s’installer. Or, l’empereur romain germanique va octroyer aux Teutoniques les privilèges des Princes d’Empire, dont le droit de souveraineté sur les territoires conquis. Au XIVe siècle, favorisant la « marche vers l’Est » (Drang nach Osten) du peuple allemand, les Teutoniques étendent leur domination sur la Prusse et les Pays baltes. Ils s’affirment comme une puissance séculière, par là même, rivale de la Pologne. L’affrontement dès lors inévitable, trouvera un début de résolution en 1410, lors de la bataille de Grunwald qui voit une coalition polono-lituanienne affronter l’armée teutonique.
Remettre une partie de sa sécurité entre des mains étrangères est donc un pari sur l’avenir, puisque force est d’admettre que l’intérêt particulier prime dans les relations internationales. Dans cette perspective et au vu des choix actuels, des désillusions ne sont pas à écarter.
Le temps de la déception
Vingt ans après la chute du Pacte de Varsovie, un premier bilan de la coopération avec les États-Unis est possible. Varsovie souffre de ce qui est ressenti comme une considération insuffisante de la part de Washington malgré les efforts consentis ces dernières années, illustrés par l’achat de F-16, la projection de troupes en Irak et en Afghanistan. Défauts de réalisation des offsets liés à l’achat des F-16, manque de participation des entreprises polonaises à la reconstruction de l’Irak, refus d’assouplir la politique de visas d’entrée aux États-Unis sont autant de raisons de douter des intentions réelles de son allié.
Même si la Pologne continue de considérer sa relation avec les États-Unis comme un pilier de sa sécurité, elle a été déçue par la manière dont a été annoncée le 17 septembre 2009, la décision unilatérale américaine de renoncer à l’installation du bouclier antimissiles. Il s’agissait d’un sérieux coup de frein à la tentative polonaise de sanctuariser son territoire via des moyens d’interception conventionnels.
C’est dans ce cadre que, lors de la campagne présidentielle en 2010, Varsovie a annoncé un retrait d’Afghanistan dès 2013, sans trop se soucier de l’avis des Américains. Or, quand le bilatéralisme déçoit, il peut laisser la place à un affrontement (cf. les Teutoniques) ou au retour vers plus de multilatéralisme. Il semble donc que la fin des illusions polonaises pourrait être marquée par un réalisme accru et un activisme renforcé au sein de l’Europe.
Un recentrage programmé vers l’Europe
L’Europe pourrait redevenir le terrain prioritaire où se déploient les efforts internationaux de la Pologne concernant la politique de sécurité. C’est à travers ce filtre qu’il faut analyser l’élection de Bronislaw Komorowski, nouveau président de la République depuis juillet 2010. Il était en effet le candidat le plus europhile. Le bilatéralisme peut se révéler une solution alternative face aux insuffisances de la coopération multilatérale ; il n’est qu’à observer l’activité diplomatique des États-Unis pour s’en convaincre. Dans le cas polonais, c’est le contraire qui semble se produire : les insuffisances de l’approche bilatérale fournissent l’impulsion pour une approche plus multilatérale.
Ainsi, force est d’admettre que l’Union européenne devient progressivement un cadre d’action privilégié pour la diplomatie polonaise qui veut y renforcer ses positions. Son nouveau volontarisme en faveur de la PSDC s’illustre par une contribution grandissante aux opérations de l’Union (Tchad, force européenne en Bosnie-Herzégovine). En outre, absente du programme de la présidence de l’UE présenté début 2009, la PSDC figure aujourd’hui en tête des cinq priorités pour la présidence polonaise du deuxième semestre 2011.
De plus, en dépit de la présence en Pologne de nombreux représentants des entreprises américaines d’armement et malgré la résistance de certains de ses propres industriels, Varsovie a augmenté avec l’appui de la France son niveau de représentation dans les instances de l’Agence européenne de défense (AED) en obtenant le poste de directeur adjoint. Dans ce cadre, elle participe aux projets fédérateurs de protection des forces en milieu urbain, besoin avéré dans le théâtre afghan ; aux concepts innovants et technologies émergentes (ICET) ; ainsi qu’aux phases de préparation de programmes sur le déminage maritime, aux programmes portant sur la radio logiciel Essor et sur l’EATF (European air transport fleet).
Par ailleurs, le Triangle de Weimar créé en 1991 et qui regroupe l’Allemagne, la France et la Pologne a retrouvé de la vigueur après une période de léthargie prolongée couvrant la législature polonaise précédente. Il est devenu un cadre de dialogue politique régulier sur les questions européennes et internationales d’intérêt commun. À ce titre, la Pologne a souhaité être nation-cadre du GT 1500 Weimar en 2013, pour lequel une première séance de consultation tripartite a déjà eu lieu. En parallèle, elle participe à la mise sur pied dès 2010, d’une structure similaire avec l’Allemagne, la Lituanie, la Lettonie et la Slovaquie et s’inscrit également dans le projet d’un GT 1500 Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) associant l’Ukraine et devant aboutir en 2015. En outre, elle a participé au déploiement de la Force de Gendarmerie européenne (FGE) en Afghanistan. Enfin, après avoir renforcé sa présence au sein de l’État-major du Corps européen en obtenant notamment un poste d’officier général, la Pologne souhaite y intégrer à terme plus d’une centaine de personnes. Le renforcement tous azimuts de la présence polonaise dans les diverses instances du vieux continent paraît répondre à une nouvelle volonté assumée de reprendre la place qui lui convient dans le concert européen.
* * *
Chose rare en Europe de nos jours, la Constitution polonaise impose au gouvernement d’allouer au budget de la défense un minimum de 1,95 % du Produit intérieur brut de l’année précédente. C’est une preuve de l’intérêt tout particulier que les Polonais accordent à leur sécurité. Cependant, symptôme d’un décalage important avec les pays d’Europe de l’Ouest, Varsovie est toujours à la recherche d’un équilibre satisfaisant dans ses alliances sécuritaires, en raison d’une perception particulière de la menace territoriale. Un accroissement des coopérations avec l’Europe est à attendre. Mais pour la Pologne, avoir confiance en l’Europe, ce sera d’abord avoir confiance dans ses propres capacités. Réalisant l’équivalent des deux tiers du PIB russe, elle a les moyens de mettre sur pied un appareil de défense à sa mesure, modernisé et crédible. Cette réalisation sera idéalement complétée par un activisme plus prononcé dans les instances politiques et militaires européennes. Pour autant, la population polonaise n’est pas spontanément acquise à l’Europe, malgré les milliards d’euros que l’Union a investi pour rénover les infrastructures du pays. Pour la période en cours 2007-2013, la Pologne a bénéficié d’une enveloppe globale de 67,3 milliards d’euros, au titre de la politique structurelle et de cohésion. Le temps est sans doute l’élément indispensable pour que d’une part, l’appréhension vis-à-vis de la Russie diminue, d’autre part l’alliance avec les États-Unis laisse la place à une politique étrangère plus pragmatique. ♦