De Genève à Saïgon
Ce fut une atmosphère singulièrement dramatique que celle de la longue négociation genevoise. Le 25 avril, veille de l’ouverture de la Conférence, alors que toutes les délégations asiatiques étaient arrivées (à l’exception des représentants du Vietnam et du Vietminh, qui n’avaient encore pas de motif d’être présents), les observateurs occidentaux apprenaient avec une stupéfaction anxieuse les déplacements-éclair de M. Eden à Paris, son retour à Londres, la convocation, dans cette capitale, en plein week-end, des grands chefs militaires de l’Empire et finalement le refus britannique de s’associer à une action militaire tendant à dégager les défenseurs de Dien Bien Phu… Ainsi, la solidarité occidentale était atteinte, à la minute précise où s’ouvraient des pourparlers avec un bloc communiste ne présentant pas la moindre fissure.
Les réceptions commencèrent. Vodka, whisky, caviar, ombles du lac, Champagne, tandis qu’à douze mille kilomètres se précipitait l’agonie du camp fortifié. Officiellement, la Conférence ne s’intéressait qu’à la Corée, à propos de laquelle chaque partie se répandait en déclarations de pure propagande, personne ne se faisant d’illusion sur l’issue finale d’un débat manifestement aussi vain que l’avait été celui de Berlin sur l’Allemagne.
Survenaient des moments d’euphorie. Diplomates, experts, ministres présentaient des visages rassérénés, détendus. Les observateurs, pour la plupart, prenaient le même train. Télégraphe et téléphone transmettaient, à travers le monde entier, des nouvelles optimistes, mais qu’en restait-il, une fois bien pesées !
Il reste 91 % de l'article à lire