L’Otan au XXIe siècle
L’Otan au XXIe siècle
Quand un conseiller de rédaction, auteur fidèle de la Revue Défense Nationale, publie un livre on se doit de le passer au crible avec la sévérité de l’amitié. Ce livre n’en n’est pas vraiment un, c’est une somme, presqu’un manuel qui expose cette organisation que la France habite désormais pleinement, pour le meilleur et pour le pire. Et Olivier Kempf ne nous épargne rien de cette structure de défense et de sécurité unique et tentaculaire que nous redécouvrons et que certains trouvent exagérément déployée et inutilement dispersée aux plans territorial et fonctionnel.
En 14 chapitres denses et bien informés, il nous parle de cette organisation qui donne son sens et sa réalité à l’Alliance atlantique. Un premier chapitre historique passionnant par ce qu’il rappelle de l’époque initiale nous montre une généalogie et une nécessité généralement oubliées ; il part des prémisses pour couvrir l’histoire jusqu’à la fin de la guerre froide. C’est la période essentielle où l’Otan joua un rôle décisif et irremplaçable pour la stabilisation et la reconstruction stratégique du continent européen après la Seconde Guerre mondiale. Puis viennent les chapitres descriptifs : le niveau politique de l’Alliance ; le niveau militaire de l’organisation ; la question du leadership américain ; celle des nations et de leurs intérêts ; celle de la France et de son exceptionnalisme aujourd’hui estompé. On trouve ensuite l’analyse des problématiques actuelles, la concurrence entre Europe et Alliance, entre Otan et PSDC comme on dit aujourd’hui, et la dialectique des quatre élargissements qu’Olivier Kempf traite avec brio et profondeur : l’élargissement vers l’empire russe, la dynamique des partenariats, celle des opérations nouvelles, hors zone, et celle enfin d’opérateur global que tend à s’approprier désormais l’organisation. Les trois derniers chapitres traitent des défis actuels de l’Otan, son financement tout d’abord, sa posture nucléaire ensuite, qui ne fait pas l’unanimité, et le terrorisme qui la laisse sans mode d’action. On le voit, Olivier Kempf embrasse large, il nous informe dans le détail et nous donne du grain à moudre.
On saluera la clarté de l’exposé et l’appareillage technique de notes variées et utiles ; on regrettera certains côtés anecdotiques du propos. On relèvera surtout qu’une telle étude arrive bien tard dans nos bibliothèques, quinze ans après que l’insertion méthodique d’officiers français dans les structures de l’Otan ait permis d’envisager, dès les années 1995, la participation pleine et entière de la France dans l’Alliance. Dans cette Alliance alors à 16, un pilier européen de l’Otan aurait eu du sens et aurait permis d’éviter la constitution de cette Politique de sécurité et de défense commune, dernier avatar de la Communauté européenne de défense des années 50 ou de la communauté de destin et d’intérêt affichée en 1987 dans l’UEO, et finalement arrêtée à Lisbonne en 2007. Nous avons désormais une PSDC qu’on ne sait comment articuler avec le nouveau concept stratégique de l’Alliance. À suivre.
Il faut lire cette somme et surtout l’exploiter et demander à l’auteur de la mettre à jour régulièrement tant le monde bouge, mais aussi de nous donner plus nettement son sentiment sur l’aptitude de cette structure à se réformer pour s’adapter aux réalités de l’Atlantique à l’Oural et de Vancouver à Vladivostock. ♦