Nul ne conteste qu’il existe une politique de défense française cohérente et continue depuis les années 60. Ses fondements ont été définis et mis en place par le général de Gaulle. Ils semblent faire consensus entre les partis politiques au point d’expliquer l’absence de débats sur ces sujets. En réalité cette situation provient d’une incompréhension fondamentale de la place de la France dans le paysage géostratégique mondial. Le fondateur de la V^e République, magicien de la politique et du verbe, en est en partie responsable. Que va-t-il en être dans la suite du XXI^e siècle ? Tel est le point de départ de la réflexion qui suit.

La politique de défense française est fondée sur le principe de l’indépendance nationale. Cette dernière s’exerce dans le cadre d’une Union politique et d’une Alliance stratégique. Mais cette dernière dimension est le plus souvent minimisée, ou critiquée, au fil des aléas de la relation franco-américaine. Dans les cas de crise grave, particulièrement lors de la crise de Cuba, de Gaulle s’est toujours rallié le premier aux États-Unis, ultimes défenseurs du monde que l’on disait libre, par un choix rapide et sans équivoque. L’épisode irakien en 2003 a donné à l’opinion l’impression que plus que jamais il fallait se défier de l’Alliance avec les États-Unis. Constatons que l’Allemagne, toujours bon élève de la classe Atlantique, a fait alors le même choix que la France, sans aucune difficulté supplémentaire due à son appartenance à l’Alliance.

La situation géopolitique mondiale ne laissera demain, comme hier, aucune possibilité d’une grande stratégie propre de la France hors du camp occidental. Il est celui des puissances maritimes. La France et l’Europe sont depuis longtemps et ne peuvent qu’être que du côté de ces puissances dans le futur. C’est cette thèse qui sera examinée ci-après à l’horizon du XXI^e siècle, à la lumière du schéma intemporel proposé par l’amiral Castex dans ses Mélanges stratégiques.