L’ouverture du G8 aux puissances émergentes n’a pas renforcé la responsabilité collective au sein du club des administrateurs auto-investis de la communauté internationale. Chacun des nouveaux venus a importé ses biais spécifiques qu’accentue un monde émietté ; ils alimentent un révisionnisme sourd de la gouvernance mondiale, notamment économique et financière.
Les puissances émergentes et le G20 : la musique ou les chaises ?
Emerging powers and the G20—dancing to whose tune?
The opening up of the G8 to include emerging powers has not resulted in better collective responsibility within this select club of administrators of the international community. Each new member has brought to the table its own particular slant on things, which has worsened an already fragmented situation and done nothing to improve world governance in economic and financial matters in particular. Far from uniting the planet, the G20 remains a self-satisfying group that is incapable of taking into account the interests of the greater majority.
Tout en accélérant la réforme de la gouvernance mondiale, la crise économique et financière en a dévié le cours dessiné par les Européens, en général et la France, en particulier. Même s’il correspond à des aspirations à un monde multipolaire et plus inclusif, l’élargissement précipité du G20 a déstabilisé la stratégie d’une intégration progressive et conditionnelle des puissances émergentes. Accédant sans réserve à leur nouveau rang, les nouvelles puissances se sont non seulement montrées peu préparées à l’instance rejointe mais surtout peu actives, plus soucieuses de leur statut que des responsabilités accrues conférées.
L’attitude au G20 des émergents et des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) en particulier, s’est traduite par peu d’inputs conceptuels et/ou opérationnels mais par des appels bruyants répétés à leur faire une place toujours plus grande dans un langage fleuri de critiques des Occidentaux, notamment, à l’occasion de sommets ad hoc. Une attitude qui sonne comme une revanche historique, un ré-ordonnancement de la hiérarchie des puissances telle qu’elle avait précédé la suprématie de l’Europe industrielle et suggérant le G20 comme un directoire mondial au service des intérêts des puissances membres du club, et, en premier lieu, des leurs. Une attitude préoccupante à court terme car peu coopérative. Inquiétante à plus long terme car elle laisse apparaître un nationalisme mondialisé des émergents mais aussi un appétit de puissance, de domination susceptible de laisser peu de place aux « petits », aux agencements universels et aux pays en repli ou en crise. Une vision hiérarchisée du monde où les 172 États qui n’appartiennent pas au Club n’ont pas vocation à le rejoindre ou à y être associé au-delà du mode bilatéral que les puissances anciennes et émergentes voudront bien leur concéder. Une vision étriquée de l’Histoire et de la géographie des puissances car le nombre d’États susceptibles d’exercer une influence sur le monde ne cesse d’augmenter.
Le G20 n’est pas un G7/G8 à vingt
La crise a accéléré les progrès de la réforme de la gouvernance mondiale, même si ceux-ci ont été concentrés sur la sphère économique et financière : transformation du G20 en sommet de chefs d’État et de gouvernement, redistribution des quotas et des droits de vote au sein des institutions de Bretton Woods, création du Conseil de stabilité financière regroupant les mêmes pays que le G20, de sorte que le centre de gravité des instances de la gouvernance économique et financière mondiale s’est déplacé vers l’Est, en direction des « Bric », bien plus nettement que le centre de gravité de l’économie réelle et plus encore de la finance mondiale.
Il reste 90 % de l'article à lire
Plan de l'article