L’Europe a-t-elle un avenir stratégique ?
L’Europe a-t-elle un avenir stratégique ?
L’auteur de ce livre dense et bien écrit paru dans la collection « Éléments de réponse » a adopté à bon escient le terme de « stratégie » dans son sens le plus large. Sévère, volontiers pessimiste, l’ouvrage adresse un appel au réveil d’une Union qui a à peu près tout pour elle mais, dans une sorte de stop and go, alterne les réalisations brillantes et les périodes de torpeur.
Dans le relatif confort de la guerre froide, et grâce à l’action de dirigeants inspirés, on est parvenu à un « bilan plus que positif », mais le poids des impératifs particuliers d’États « crispés sur leurs prérogatives nationales » et par conséquent, réticents à abandonner leurs objectifs traditionnels, a rendu difficile la synthèse. Le freinage britannique allant parfois jusqu’à jouer le rôle de cheval de Troie, la présence quelque peu impérialiste d’une Otan considérée comme une « assurance-vie universelle », enfin un élargissement précipité, accompagné d’un partage forcément inégal du fardeau et d’interrogations turques, n’ont pas facilité les choses. Bref, même si les réalisations concrètes se font attendre, on en est arrivé malgré tout à Maastricht, Saint-Malo ou Lisbonne, ce qui n’est pas si mal, mais la douche froide suit.
Le triomphe évident de l’Occident s’accompagne de vulnérabilités nouvelles. Voilà que la mondialisation « change la donne » avec l’apparition de vastes pays émergents, le phénomène devenu universel du terrorisme et quelques errances américaines au service d’un « messianisme démocratique radical » dont l’Administration Obama tenterait d’atténuer les effets. Allons-nous, face à ces défis, nous contenter d’exercer une influence « marginale et aléatoire », présenter l’image d’un nain politique que récuse l’avocate passionnée ? Si aujourd’hui l’Europe stratégique piétine, si elle n’est pas parvenue à « s’imposer sur la scène internationale », elle n’en reste pas moins une « puissance nécessaire ». Elle trouvera sa place en cessant de « bricoler » et en remplissant certaines conditions (y compris budgétaires, alors que les dépenses militaires « explosent partout dans le monde, sauf en Europe » et même si les armes, nécessaires, sont désormais insuffisantes pour obtenir la décision).
Nicole Gnesotto n’apporte pas de révélations, mais elle entend délivrer un constat en termes vigoureux et lancer un appel à l’action « commune, globale » des Européens, afin de ne pas « subir des évolutions décidées par d’autres ». ♦